Faciliter la rencontre entre offre et demande à un prix juste, et pour ce faire résoudre les problèmes logistiques, y compris pour l’approvisionnement des collectivités: voilà comment on en arrive à relier les politiques d’alimentation durable et d’aménagement du territoire!


Reconnaître le rôle de la société civile bruxelloise:

 Il y a maintenant peu d’espaces de rencontres entre les citoyens des 3 régions. Le secteur associatif fait des efforts, constatant un manque de culture commune. Ces efforts doivent être soutenus par le politique.

 En la matière, Bruxelles joue indéniablement un rôle de pont: vu les contacts aisés entre société civile et responsables politiques d’une part, et les relations avec les associations wallonnes et flamandes d’autre part. Les associations bruxelloises sont aussi fréquemment sollicitées par leurs homologues des autres pays européens pour contribuer aux campagnes visant les institutions européennes hébergées à Bruxelles. Enfin, elles doivent expliquer aux citoyens l’impact des décisions politiques prises aux différents niveaux de pouvoir… Bref, le fait d’être situé à Bruxelles implique des responsabilités importantes que ces associations assument tant bien que mal, les emplois dans ce domaine étant toujours précaires. Ce rôle devrait être mieux reconnu.

Dynamiser les politiques d’alimentation durable:

 Nous aimerions savoir ce que les politiques ont déjà mis en oeuvre pour collaborer entre les 3 régions en matière d’alimentation durable.

 Dans le cadre d’un benchmarking sur la restauration collective durable, il a été constaté qu’en France il y a plus de dynamisme dans ce secteur, et des liens forts avec des producteurs locaux, ce qui produit un impact positif en matière d’éducation. En Belgique, le contexte institutionnel crée manifestement des freins, notamment au niveau de l’approvisionnement.

 Les producteurs Français disposent même de plate-formes internet où s’organise le circuit court pour la restauration collective. Cet outil est facile à réaliser.

 Idem dans le secteur des épiceries solidaires: en France, un programme politique national a impulsé une dynamique, puis les collectivités locales prennent le relais. Dans ce cadre, les agriculteurs ont un prix fixe toute l’année. On voit ainsi quel rôle positif les politiques peuvent mener…

Faciliter la rencontre entre offre et demande à un prix juste:

 Il semble que les petits producteurs Wallons ont plus de difficultés à livrer leur production à Bruxelles et dans ses environs, que leurs homologues Flamands. En cause, sans doute des freins liés à la circulation mais aussi aux habitudes et modes de fonctionnement.

 En tout cas, il n’est pas évident de faire se rencontrer l’offre et la demande en Région Bruxelloise: manque d’infrastructures pour la vente directe, problèmes de transport, de conditionnement…

 On veut éviter le circuit classique, mais du coup il faut recréer toute une logistique ! Et tout le monde n’a pas le temps d’aller livrer des petites quantités ici et là. C’est pourquoi des centres de distribution pour les produits sont utiles, à Bruxelles même.

 Problème des labels de qualité différenciée : en Flandres, il y a Certus Meritus, en Région Wallonne il y en a d’autres, à Bruxelles il n’y en a pas. Certes, les normes sanitaires sont fédérales et pour le bio et le fair trade il y a des normes internationales. Mais l’agriculture étant régionalisée, pour la qualité différenciée c’est compliqué.

 Malgré tout, les producteurs de qualité différenciée se débrouillent. Des filières existent et il est bon de favoriser leur diversité. Mais au total, elles ne touchent encore qu’un petit nombre de consommateurs, vu le prix supérieur. Reste donc à permettre à ce secteur de « sortir de sa niche »!

 Les centrales existantes pour les produits bio (GPFL, Biofresh) sont nécessaires pour les petits producteurs qui n’ont pas le temps de s’occuper tout le temps de la vente, mais elles leur mettent trop la pression sur les prix (idem avec les criées où ils n’ont pas le rapport de forces nécessaire). Il vaudrait mieux qu’il y en ait beaucoup de petites plutôt qu’une grosse.

 Sur les marchés, le bio est parfois perdu dans la masse, et vendu à des prix prohibitifs par rapport aux magasins. Il faut y garantir la possibilité pour les producteurs d’y vendre directement leurs produits, de sorte qu’ils puissent y écouler une partie de leurs production et que seul le surplus soit vendu via une centrale de distribution (pour ne pas en être totalement dépendant).

 Concept de développement métropolitain intégrant l’agriculture paysanne : en France, des coopératives de producteurs viennent livrer en ville. De tels systèmes se mettent en place dans d’autres pays. En Belgique, à Liège on veut recréer une « ceinture verte »…

 La Fédération du commerce équitable fait également état de problèmes pratiques de ses membres (livraisons à Bxl etc).

 Le Boerenbond est partant pour collaborer à des projets où ils pourraient proposer des partenaires en Flandres.

Mettre les collectivités sur la voie de l’alimentation durable:

 Les collectivités manquent souvent de souplesse (ex. menus faits 6 mois d’avance) : d’où la difficulté pour elles de recourir aux productions locales. Il y a donc un gros travail à faire dans ce secteur, mais sans vouloir tout organiser « d’en haut ». Ce sont aussi les mentalités qui doivent changer.

 En effet, dans bien des cantines, restaurants sociaux communaux et autres collectivités, « on vient de très loin » : d’où la nécessité de procéder par étapes. Tout d’abord il n’est pas possible de faire des marchés publics scindés. Et dans l’agriculture conventionnelle, aucun contrôle sur l’origine n’est possible. Les petits producteurs auraient donc intérêt à s’allier pour fournir de tels marchés.

 Idem pour les restaurateurs, à Bruxelles GPFL les livre une fois par semaine. Ce n’est pas assez. Mais tout le monde a sa clientèle et veut garder sa part de marché. D’où la difficulté de créer ensemble une coopérative…

 Dans ce domaine aussi, on peut s’inspirer d’expériences d’autres pays, ex au Brésil: les cantines sont obligées de se fournir chez des agriculteurs locaux.

Collaborer ou non avec la grande distribution?

 Vu les problèmes logistiques (circulation à Bruxelles etc), la question se pose de la pertinence de recréer tout un système qui existe déjà, avec les grandes surfaces… Au moins, ce faisant, on fait pression sur la grande distribution qui voit son chiffre d’affaire stagner ou diminuer et pourrait en conséquence changer ses pratiques d’achat.

 Cependant, les expériences de collaboration entre ONG et grandes surfaces ont montré les limites du genre: concepts récupérés à des fins de marketing vert ou social, conditions de travail indécentes dans ce secteur… In fine, des initiatives qui remettent le système en question risquent d’être dévoyées et de disparaître.

 Un problème du même ordre confronte les restaurants sociaux à la banque alimentaire.

 Débat sur la pertinence d’acheter bio en grande surface: d’un côté on peut le voir comme une 1ère étape (ex. des grandes surfaces bio en Allemagne ou en Suisse… Mais dans ce domaine il faut distinguer les coop des enseignées privées!), d’un autre côté, si les grandes surfaces récupèrent toute la vente des produits bio, le résultat sera de tuer l’agriculture paysanne.

Conclusions:

 Tension permanente entre radicalité et pragmatisme: le fait que les supermarchés vendent du bio présente des inconvénients mais en même temps, ça fait avancer le bio.

 Il peut être positif in fine de recréer des nouveaux circuits courts et d’économie sociale mais cela prendra du temps et nécessite de repenser l’infrastructure.

 Référence sur les liens entre système alimentaire et aménagement du territoire: Cf. Carolyn Steel, « The hungry city » (histoire de Londres à partir de l’alimentation), qui existe en néerlandais: « De hongerige stad ».

Recommandations:

 Vu l’importance des problèmes logistiques, la demande au politique doit être de contribuer à trouver des solutions pratiques.

 Le problème est aussi urbanistique : on aborde ici la question de l’aménagement du territoire. Il faut donc aussi décloisonner les potitiques.

 Le rôle des criées devrait être mieux étudié.

 Il serait utile de vérifier ce qu’il existe comme traduction française des écrits de Carolyn Steel et de faire mieux connaître son approche en francophonie.
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