Après le coup de marteau, c’est le temps de l’analyse et d’une attention particulière à la mise en œuvre. Si la COP 21 n’avait pas pour objet de “changer le système”, des failles ont commencé à s’ouvrir – la réaction du lobby du charbon le montre. En tout cas, la pression citoyenne et l’opiniâtreté de la société civile ont porté leurs fruits, au moins en termes de mobilisation de l’opinion publique.


151216_cop21_sit-in.jpgUn petit coup de marteau a entériné l’accord de la COP 21 ce 12 décembre 2015 à Paris. Avant d’en arriver là, la société civile s’est très largement mobilisée pour exiger des négociateurs un accord ambitieux et juste. Greenpeace ensoleilla la place de l’étoile à Paris pour mettre l’accent sur le solaire. L’Ensemble Zoologique de Libération de la Nature a décoré une agence BNP Paribas Fortis à Bruxelles, puis cela a été le tour de la Chambre du commerce international à Paris de découvrir que « nous sommes la nature qui se défend ». Pendant ce temps, le 12 décembre, des milliers de personnes se rassemblaient au Champ de mars pour déclarer l’état d’urgence climatique tout comme à Bruxelles.

Le temps est maintenant à l’analyse

Les points de vue sont riches, souvent ambivalents et parfois divergents comme peut l’être l’accord !

Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du Giec, considère que “la Cop21 est un moment historique” et dresse l’ensemble des défis à relever. Il garde comme un souvenir précieux la petite chaussure que lui a remise Amandine Tiberghien de Natagora, le 12 décembre dernier!
L’économiste Jean Gadrey, en se basant sur les communiqués de presse publiés par les ONGs en conclut que l’accord est, en comparaison de ce qu’il aurait pu être, un miracle, en comparaison de ce qu’il aurait dû être, un désastre.
Dans Libération, Ronan Dantec, sénateur Europe Ecologie-les Verts et Maxime Combes, économiste, membre d’Attac France, livrent, en cinq points, leurs analyses pour le moins contrastées du texte adopté.
Pour Daniel Tanuro, le verre est plutôt vide mais pour le lobby du charbon, qui selon sa propre formule « sera haï, trainé dans la boue, comme l’ont été les marchands d’esclaves avant eux », la coupe est pleine !
Reporterre décortique l’accord et regrette l’absence de mécanismes sérieux pour réduire les pertes et préjudices des victimes climatiques.

L’aspect contraignant ou non fait aussi largement débat

Dans la Tribune l’auteur précise le cadre des relations internationales où la contrainte diffère de celle d’un cadre national.
Un article du Monde permet de comparer ce qui est contraignant de ce qui ne l’est pas dans l’accord de Paris.

Du côté des ONG et des mouvements sociaux, les avis sont aussi partagés

151216_ostende.jpg Selon Oxfam International l’accord offre une perspective d’action trop vague. Bien qu’il reconnaisse la nécessité du financement permettant l’adaptation au changement climatique des communautés les plus vulnérables, il critique l’accord qui ne comprend pas d’étapes claires ou un chiffrage concret pour aider à rendre cela possible.

Oxfam Solidarité est un peu plus optimiste : « L’ère des combustibles fossiles semblent presque être dépassée», note Brigitte Gloire d’Oxfam-Solidarité. « Avec cet accord, les gouvernements ouvrent la porte au monde des énergies durables et renouvelables. Les autorités devront dès lors prouver à leurs citoyens qu’elles respectent bien ce nouvel accord. » Mais elle constate aussi de trop nombreux manques.

Inter-Environnement Wallonie se félicite de ce pas en avant décisif. “L’ambition est clairement au rendez-vous, avec la mention de l’objectif de limiter les températures à 1,5 °C. Le chemin pour y arriver reste cependant largement à définir, avec la nécessité de renforcer rapidement les mesures et politiques prises au niveau national”. Bref, le travail est devant nous. D’où cette analyse complémentaire: Climat : Comment réaliser l’ambition de Paris ?

Pour le CNCD, « C’est une victoire pour les plus vulnérables, un pas en avant a été franchi pour la justice climatique », commente Véronique Rigot « Malgré plusieurs imperfections, il y a un accord universel pour le climat, légalement contraignant et qui reconnaît le principe de la justice climatique », et de citer le mécanisme de « pertes et préjudices », destiné à indemniser les victimes de catastrophes, qui a été reconnu en tant que tel.

Les Grands parents pour le climat estiment que les habitudes commencent à changer et soutiendront les mesures audacieuses en faveur de la transition énergétique.

Le WWF se félicite que les gouvernements aient posé les bases d’une action ambitieuse et rappelle qu’en Belgique, il reste du pain sur la planche!

Greenpeace insiste sur la nécessité dès à présent de laisser les énergies fossiles dans le sol.

S’il se méfie du green washing, Groupe One estime que le secteur économique peut faire effet de levier à condition que le cœur même du « business model » des entreprises soit durable.

La CNAPD épingle que l’impact des activités militaires sur l’environnement n’a pas du tout été pris en compte à la COP21. Au forum citoyen pour la climat, par contre, de passionnants débats ont abordé cette question et les enjeux géo-stratégiques des changements climatiques.

Le CADTM considère l’accord comme un véritable fiasco. Dettes écologiques, éléments chiffrés, démocratie énergétique… sont passés à la trappe tandis que les formulations courtoises transforment les exigences en lettre morte.

Quant à la FGTB, elle pointe l’enjeu de la transition juste.

Enfin, à Paris, Attac France juge que l’accord de Paris franchit les « lignes rouges » fixées par la société civile. L’accord est décrit comme ‘’un bricolage constitué de la somme des égoïsmes nationaux, aussi bien en matière de financements que d’objectifs de réduction des émissions’’. Nous sommes assignés à résistance, conclut Attac France!

En tout cas, on s’est mobilisés!

Et quelques pistes pour l’après COP

Financité analyse le rôle de la finance dans les émissions de GES. Ainsi l’empreinte carbone de notre épargne atteint 100 tonnes par an. Et chacun peut faire des choix.
151216_paris_cop.jpgOxfam attend des responsables politiques qu’ils prennent leur responsabilité et répondent de leurs actes en constatant qu’avec “la politique climatique belge actuelle (y compris le récent accord belge sur le climat), nous ne sommes pas prêts respecter l’engagement pris à Paris. Cela signifie que la Belgique doit limiter davantage ces émissions de CO2 de toute urgence, investir plus dans les énergies renouvelables et débloquer plus de fonds pour le financement international climatique”.
IEW fait le même constat et sera vigilant dans le mise en œuvre du Pacte énergétique inter-fédéral et dans le Plan Air-Climat-Energie Wallon.
IEB fait le lien entre le climat et les projets de centres commerciaux encore et toujours à la mode. En effet, Neo, Dock Bruxsel et Uplace, les 3 projets de centres commerciaux dans et autour de Bruxelles ne vont pas améliorer le climat. Ils vont à l’encontre d’une diminution de la mobilité automobile et mériteraient bien un prix fossile.
De l’autre coté de l’Atlantique, au Canada, un large mouvement de la société civile a vu le jour (The Leap Manifesto) pour construire une transition énergétique fondée sur la justice sociale et climatique. Reportage d’Associations 21.
Enfin, en lien avec la mobilisation contre le TTIP, l’Internationale des Services publics a découvert que durant la 1ère semaine de la COP21, se tenait à Genève une négociation secrète en vue d’un accord de libre échange de l’énergie. Celui-ci pourrait venir renforcer l’exploitation des énergies fossiles et exacerber le changement climatique!