En prévision de la COP 17 à Durban (1ère quinzaine de décembre 2011), les organisations de la société civile font connaître leurs positions et le GIEC vient de publier un nouveau rapport spécial sur la gestion du risque d’événements extrêmes et de désastres, afin d’améliorer l’adaptation aux changements climatiques…


Le nouveau rapport du GIEC, intitulé en anglais « Special Report : Managing the Risks of Extreme Events and Disasters to Advance Climate Change Adaptation (SREX) », est désormais disponible en ligne.

Plate-forme Justice Climatique

A l’occasion de la sortie officielle de ce rapport du GIEC, la plateforme Justice Climatique rappelle qu’elle porte le même message que les scientifiques du GIEC. Cette plateforme, coordonnée par le CNCD-11.11.11 et la coupole flamande 11.11.11 dans le cadre de la campagne sur les ressources réunissant environnementalistes, syndicats et mouvements Nord-Sud, rappelle la nécessité d’aboutir d’urgence à un accord international pour le climat. Voici son communiqué du 17 novembre 2011.

L’occasion pour la plateforme Justice Climatique de pointer qu'”entre 1979 et 2004, 95% des victimes décédées par suite des catastrophes naturelles vivaient dans les pays en développement”… Et de présenter un mémorandum contenant 11 revendications qu’elle porte dans le cadre de la campagne sur la Justice Climatique :

  1. un accord international ambitieux pour le climat
  2. Des réductions d’émissions écologiquement soutenables
  3. L’accord sur le climat doit avant tout être socialement juste
  4. La justice sociale signifie aussi que le financement des politiques climatiques doit permettre la mise en œuvre des processus de transition juste dans le monde entier et être équitable à l’égard des pays du Sud
  5. Offrir une réponse à la crise climatique signifie aussi répondre aux phénomènes météorologiques extrêmes
  6. L’accord sur le REDD obtenu à Cancún doit être concrétisé lors de la Conférence de Durban de manière à donner forme au mécanisme international de lutte contre la déforestation
  7. Compte-tenu de la nécessité de favoriser l’agriculture familiale paysanne, au Nord comme au Sud, pour lutter contre les effets des changements climatiques, priorité à l’agro-écologie
  8. La Belgique et l’Union Européenne doivent mener une politique de transfert de technologies solidaire
  9. Les mécanismes de flexibilité doivent être réévalués
  10. Les politiques liées à l’utilisation des terres, à la production alimentaire, au commerce, aux agro-carburants, à la coopération au développement,… doivent être adaptées pour plus de cohérence globale.

11. Et enfin, Rio+20 (en juin 2012) doit être l’occasion d’un consensus global et décisif pour un autre modèle de développement plus durable avec des objectifs clairs et ambitieux par et pour la communauté internationale. Un progrès notable à Durban serait un bon signal en vue des négociations de Rio, mais il est tout aussi crucial que ceci prenne forme dans une vision intégrée du développement durable. Pour parvenir à cette vision, l’économie verte doit être un outil de développement durable et d’éradication de la pauvreté et non un concept concurrent à celui-ci. De plus, un cadre institutionnel, au sein des Nations unies, mais aussi de l’ensemble des institutions et organisations internationales, suffisamment fort et régulé au profit du développement durable est absolument nécessaire pour peser sur des décisions qui tiennent surtout compte du court terme.

Voir aussi: le site pédagogique sur la justice climatique coordonné par le CNCD-11.11.11

 Durban pour les nuls et les étourdis

Lettre ouverte des ONG aux dirigeants Africains

Maité Nkoana Mashabane
Par ailleurs, Oxfam en Belgique signale l’initiative de l’IATP, Institute for agriculture and trade policies, qui appelle les ONG à signer la lettre suivante, destinée aux ministres africains de l’agriculture et de l’environnement :

Sujet: Durban COP17, l’agriculture et les marchés du carbone terrestre

Nous, les organisations soussignées de la société civile d’Afrique et du monde entier, nous opposons fermement à une décision à Durban pour un programme de travail agricole axé sur l’atténuation, qui conduirait à transformer les terres arables et les pratiques agroécologiques en marchandises pour être vendues sur les marchés du carbone, ou utilisées comme puits pour permettre aux pays industrialisés de continuer à éviter de réduire leurs émissions.

Les ministres africains ont été invités par la Banque mondiale à approuver cette approche, présentée comme une invention pour une agriculture « d’intelligence climatique ». Pourtant, légitimer les compensations en carbone terrestre via un programme de travail agricole basé sur l’atténuation, déstabilisera encore davantage le climat, sans atteindre les causes réelles des émissions émanant de l’agriculture. Tout ceci pour éviter d’aborder la nécessité de générer des finances publiques, ce qui aggravera l’injustice sociale parce que l’on transfère de la sorte le fardeau de l’atténuation sur les pays en développement – en particulier leurs petits producteurs. Les compensations en carbone terrestre risquent également de renforcer l’accaparement des terres, de saper la souveraineté alimentaire et le droit à l’alimentation.

Lors des négotiations de la COP17 à Durban, les dirigeants d’Afrique et d’autres pays en développement doivent :

 1. Rejeter les marchés du carbone terrestre et le programme de travail sur l’agriculture, axé sur l’atténuation.

 2. Demander que les pays de l’annexe 1 montrent une volonté politique à honorer leurs obligations légales relatives aux nouveaux financements supplémentaires pour les pays en développement, par exemple via des contributions annuelles directes au Fonds d’adaptation, au lieu de gaspiller les finances publiques à consolider des marchés du carbone voués à l’échec.

 3. Demander des sources de financement novatrices, telle une taxation sur les transactions financières (visant un infime pourcentage de transactions financières internationales) ou l’utilisation de droits de tirage spéciaux (DTS, issus du Fonds monétaire international). Celles-ci pourraient générer des milliards de dollars pour les pays en développement, afin de relever les défis de l’adaptation en Afrique et ailleurs.

Les marchés du carbone terrestre vont couler notre climat, les petits producteurs et les gouvernements des pays en développement :
Vu la difficulté de mesurer le carbone séquestré dans le sol, les chiffres en la matière doivent être basés sur des hypothèses et non vérifiés scientifiquement. La complication et le coût élevé pour développer des systèmes de surveillance, notification et vérification (MRV) du carbone du sol, vont surtout bénéficier aux consultants du carbone et aux entreprises d’Amérique du Nord et d’Europe – et pas aux petits agriculteurs et éleveurs d’Afrique ou d’ailleurs. Créer une infrastructure complexe de mécanismes de carbone terrestre est un détournement coûteux et dangereux du financement direct pour les besoins d’adaptation bien documentés de l’agriculture à petite échelle.

Les entreprises, gouvernements et industriels de l’agro-business des pays de annexe 1 sont autorisés à continuer d’émettre des gaz à effet de serre tout en rencontrant supposément des objectifs d’atténuation par le biais des compensations. Cette dépendance à l’égard des compensations non seulement déplace la responsabilité de s’attaquer aux changements climatiques sur les gouvernements des pays en développement et les petits producteurs, mais aussi distrait de la priorité de s’attaquer aux graves problèmes d’adaptation résultant du changement climatique.

L’approbation à la COP17 d’un tel programme de travail pourrait ouvrir la voie à de coûteuses solutions technologiques qui n’ont pas prouvé leur efficacité, telles que les organismes génétiquement modifiés (OGM) et autres technologies brevetées ou pratiques agricoles présentées comme « intelligentes pour le climat ». Ces technologies ont non seulement un coût prohibitif pour les pays en développement, mais elles créent également de nouvelles formes de contrôle par les entreprises sur des plantes agricoles et les ressources génétiques animales [1]. Leur sécurité est mise en doute, et leur utilisation a déjà révélé leurs préjudices environnementaux, sociaux et économiques. Elles menacent d’entraver plutôt que de favoriser l’adaptation de l’agriculture au changement climatique.

Deuxièmement, les ministres africains et d’autres pays en développement ont eu la fausse promesse d’un financement de l’agriculture et du climat via les marchés du carbone. Ceux-ci sont déjà en crise, et il est manifeste qu’ils ne génèrent pas de finances ni d’autres avantages pour les pays en développement :

 Les marchés du carbone sont une source de financement pour l’Afrique trop « hype », pas fiable, volatile et inéquitable. En dépit des énormes sommes d’argent actuellement associées aux marchés du carbone, seule une infime fraction va aux projets sur le terrain. En 2009, sur un volume total de de 144 milliards de dollars du marché mondial du carbone, 0,2 % seulement des transactions étaient basées sur des projets[2]. Le reste, 99,8 % a été capturé par les confortables honoraires des consultants et les profits des spéculateurs sur les matières premières, qui font le commerce du carbone sur les marchés internationaux des matières premières comme pour tout autre produit financiarisé.

 Les fonds publics des Communautés et des gouvernements sont censés supporter la mise en œuvre et le coût énorme du préfinancement des projets. Les coûts de mise en œuvre de méthodes de gestion des terres sont bien plus élevés que les rendements du marché du carbone, tandis que, à en juger par le projet pilote du marché du carbone terrestre au Kenya, la moitié des rendements projetés sont nécessaires pour couvrir les coûts de transaction tels que l’administration. Il y aura très peu de retombées du rendement financier des compensations sur les agriculteurs, voire aucune. Ces projets sont donc soit financièrement non viables, ou bien leur maintien nécessitera toujours des fonds publics.

 Les marchés du carbone souffrent de faiblesses structurelles qui les rendent très vulnérables à la fraude et à la manipulation, ce qui les rend peu fiables pour les finances liées au climat et à la planification du développement.

 Le prix mondial du carbone est déjà trop faible et instable pour fournir des fonds fiables pour des projets. Les analystes prévoient qu’avec les marchés des matières premières en pleine tourmente, et les marchés du carbone sans doute bientôt inondés par de nouveaux produits de compensation, le prix du carbone ne fera que descendre. C’est pourquoi ils constituent une solution désastreuse pour la souveraineté alimentaire, l’amélioration des moyens de subsistance en région rurale et les besoins d’adaptation des petits producteurs agricoles.

Vu les défis techniques et les incertitudes scientifiques de la séquestration physique du carbone dans le sol, cet « actif négociable » est pauvre. Compte tenu de ces incertitudes, les crédits compensatoires via le carbone du sol ne sont pas éligibles pour le Plan du Marché Européen des Emissions – représentant 97 % du marché de la conformité globale – au moins jusqu’en 2020.

Le carbone terrestre et autres compensations via l’agriculture, n’apporteront pas de sources financières adéquates, prévisibles, additionnelles ou fiables pour l’adaptation & l’atténuation en Afrique ou ailleurs. Au contraire, ces marchés vont requérir des fonds publics massifs pour le pré-financement, et vont surtout servir à générer des profits pour les spéculateurs des matières premières dans le Nord.

L’accent mis sur les marchés du carbone vise surtout à éviter des discussions urgentes sur la façon de générer des finances publiques pour aider les pays en développement à affronter les changements climatiques. En 2009, les pays développés se sont engagés à générer 100 milliards de dollars par an pour l’adaptation et l’atténuation dans les pays en développement à partir de sources publiques et privées. À ce jour, l’énergie politique a surtout attiré l’attention sur les moyens de générer et d’exploiter les financements privés – généralement au moyen de fonds publics – pour soutenir les marchés du carbone pourtant caduques. Dans le même temps, les pays développés ont largement ignoré le potentiel de nombreuses approches qui pourraient être utilisées pour générer des finances publiques (comme une petite taxe sur les transactions financières, ou des prélèvements dans les secteurs du transport maritime et aérien), qui pourrait contribuer à soutenir les petits exploitants et les systèmes agricoles dans les pays en développement.

Le projet du Kenya n’est pas reproductible, sans fonds publics : le projet pilote Kenyan soutenu par la Banque mondiale et l’ASDI (coopération suédoise) est utilisé pour convaincre les gouvernements africains qu’il s’agit d’une solution viable pour l’investissement agricole.

Pourtant, même les promoteurs du projet admettent que les agriculteurs ne bénéficient pas du paiement du carbone : peut-être gagneront-ils entre 5 $ et 1 $ par an. La Banque mondiale a financé le paiement de consultants du carbone pour développer une méthodologie « simplifiée » de carbone avec l’intention de le reproduire ailleurs, alors que le financement de l’ASDI fait la différence. Le projet souffre de coûts de transaction élevés (jusqu’à la moitié des recettes estimées), de faibles rendements aux agriculteurs et d’avantages environnementaux incertains en raison de la difficulté de mesurer le carbone terrestre. Sans le soutien par la Banque mondiale des prix minimum garantis pour le carbone, et sans le préfinancement de l’ASDI, l’énorme investissement nécessaire et les faibles rendements signifient que ce modèle n’est pas reproductible pour d’autres pays africains.

Nous croyons que les pratiques agroécologiques sont une stratégie clé pour l’adaptation, l’atténuation et l’augmentation des rendements pour les agriculteurs africains. Mais ces approches ne peuvent pas venir dans un même paquet avec, ou être structurées pour les crédits de compensation carbone. Les questions essentielles de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et du changement climatique ont en effet été évaluées en détail dans l’Évaluation internationale des connaissances, des sciences et technologies agricoles pour le développement (IAASTD). Les ministres devraient examiner si les options politiques proposées par l’IAASTD en matière de changement climatique et de sécurité alimentaire, approuvées par plus de 50 gouvernements à Johannesburg en avril 2008, sont susceptibles d’être adoptées dans leur pays. Le Comité de l’ONU sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA) est également chargé de traiter les liens entre changement climatique et sécurité alimentaire dans les années à venir. Le processus du CSA est inclusif et offre un espace pour une véritable contribution de la société civile.

Le droit à l’alimentation doit être au cœur de toutes les discussions liées à l’agriculture et le changement climatique. C’est pourquoi il est prématuré et court-termiste de lancer un programme de travail sur l’agriculture et le changement climatique.

Cordialement,

Le Réseau Biodiversité africaine (Kenya)
La Fondation Gaia (UK)
Institut pour l’agriculture et de la politique commerciale (IATP)
Practical Action (Royaume-Uni)

Pour signer cette lettre, SVP envoyez votre nom, organisation et pays à:
Eléonore Wessele, l’IATP eleonorew(e)iatp.org tard le lundi 21 Novembre, 17h00 GMT

Voir aussi:

 Cet appel en ligne en anglais

 Explication en français sur le marché du carbone, par l’ONG européenne FERN, qui suit les activités de l’UE, relatives aux forêts

Du côté des organisations d’environnement

A lire également, en prévision de Durban, cet article de Cécile de Schoutheete d’IEW: « Les trois fossés à combler à Durban ». Elle pointe ainsi le niveau d’ambition des objectifs climatiques, le cadre légal pour l’après 2012 et les financements climatiques. Et de conclure : « le processus en cours au sein des Nations unies représente à ce jour la meilleure option pour coordonner la lutte contre les changements climatiques. Mais les avancées observées jusqu’ici sont lentes et insuffisantes. Pour que ce processus sorte de sa léthargie, il faut davantage de volonté politique et des actions concrètes, principalement de la part des pays industrialisés… Dont la Belgique qui, de par la quantité de gaz à effet de serre qu’elle émet par habitant, ne peut aller à Durban les mains vides ! »

Voir aussi:

 Climat : Durban COP 17, analyse africaine – La parole à Samir Abi, secrétaire général d’Attac Togo

L’agriculture paysanne fera entendre sa voix

La Via Campesina sera présente à la conférence COP17 de Durban. Plus de 200 paysannes et paysans venus de l’Afrique, de l’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes participeront à cette conférence afin de faire entendre les voix des millions de petits paysans et producteurs d’aliments à travers le monde qui, à travers leurs pratiques agro-écologiques, contribuent de manière significative à la lutte contre les changements climatiques.

A Durban, les membres de La Via Campesina entendent dénoncer le modèle agricole industriel comme étant l’une des principales causes du changement climatique, tout en provoquant des exodes ruraux massifs, du fait de l’accaparement des terres au profit de monocultures industrielles.

Partout à travers le monde les paysans s’opposent aux fausses solutions mises en avant pour remédier au changement climatique, comme par exemple les plantations en monoculture, les mécanismes de compensation REDD, les marchés des puits de carbone et la soi-disant “Agriculture intelligente adaptée au changement climatique”.

A Durban, ils manifesteront aussi le 3 décembre, afin d’exiger la justice sociale et climatique. Le 5 décembre, tous les mouvements paysans d’Afrique célébreront le “Jour de l’Agroécologie et de la Souveraineté alimentaire pour refroidir la planète”, une manifestation symbolique pour exiger le respect de la cause paysanne à travers le monde..

Des rencontres avec la presse sont prévues le 3, le 5 et le 6 décembre. Info.