A l’initiative de la LDH, la JOC, le collectif « No procès », Bruxelles Laïque et le CLEA, un débat était organisé ce 18 février 2013 à Bruxelles Laïque avec Manu Lambert (LDH), Anne Morelli (ULB) et Martin Willems (CNE). Il nous semble intéressant d’en faire écho sur le site d’Associations 21 dans le contexte actuel de criminalisation d’actions militantes non violentes telles que l’arrachage de patates OGM à Wetteren en mai 2011 (les inculpés se voyant à présent sanctionnés de prison ferme et de lourdes amendes!)


Déjà, en mars 2011, Associations 21 avait organisé un échange croisé sur les rapports entre associatifs et politiques où l’on s’inquiétait du « rétrécissement de l’espace démocratique ». Celui-ci semble se rétrécir encore bien plus aujourd’hui, d’où l’importance d’y voir clair au niveau juridique…

La première loi antiterrorisme d’application en Belgique date de 2003. Dix ans plus tard, en février 2013, une directive européenne liberticide a été transposée dans le droit belge. Ces lois ont comme effet majeur de criminaliser des personnes pour leurs propos, leurs actions militantes, etc. De surcroît, avant les évènements du 11 septembre 2001, le terrorisme était déjà sanctionné en Belgique. S’agit-il réellement de lutter contre le terrorisme, ou de criminaliser des faits sociaux ?

La loi cardinale du 19 décembre 2003 contient, en dépit de son caractère vague, une définition de ce qu’est le terrorisme. Elle a subi un recours en annulation devant la Cour Constitutionnelle mais qui a été rejeté, car c’est au juge de déterminer ce qui serait ou non une appartenance à un groupe terroriste. Cependant il est à noter le caractère arbitraire de l’application de ces législations (des juridictions différentes ont donné des avis différents, à savoir Bruges, Gand et Anvers, Bruxelles). Le bilan actuel de l’application de ces lois est calamiteux (plusieurs condamnations de la Belgique par la cour européenne des droits de l’homme).

La loi de 2013 vise à lutter contre la provocation directe ou indirecte au terrorisme. Que signifie provocation indirecte : c’est mettre à disposition un message qui incite à commettre des actes terroristes même si rien n’est commis. Le texte est donc vague et problématique.

Lorsque l’on sanctionne la diffusion ou le soutien des idées de mouvements aux activités terroristes, il y a lieu de se poser la question de savoir ce qui viendra ensuite : la criminalisation de ceux qui défendent la liberté d’expression ?

Avant d’être considéré comme un homme de paix, Nelson Mandela était un individu dérangeant et recherché. Cela démontre que les listes de terroristes sont fluctuantes et ne possèdent aucune consistance objective. Un exemple actuel concerne les fuites de la Sûreté de l’Etat qui ont laissé filtrer des informations concernant plusieurs professeurs suspectés d’accointances avec des sectes religieuses. C’est une grave remise en cause de la liberté académique, ne pouvons-nous plus étudier les sujets qui fâchent sans risquer d’être criminalisé du fait de contacts suspects ?

Les organisations syndicales se sentent-elles menacées ? Non, mais le militantisme syndical éventuellement. Les syndicats sont à contre-pouvoir, pourtant ils sont institutionnalisés. Il est intéressant de remarquer que les meneurs étaient condamnables jusqu’en 1921, et la réapparition d’une loi qui y ressemble fort est un fait inquiétant. Le vrai militantisme syndical qui vise à créer des dommages voués à freiner l’économie correspond à ce qui est interdit et sanctionné dans la nouvelle loi.

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Aujourd’hui, la campagne Stop répression coordonnée par la JOC appelle à la mobilisation face à l’élargissement des pouvoirs de l’Etat et sa répression. Les amendes administratives sont difficiles à contester, et là aussi il y a introduction de l’arbitraire. Qui nous protège de la police ? Qui nous protège de l’Etat ? Si un individu porte plainte, il sera dans la majorité des cas accusé de rébellion.

Au delà de la liberté d’expression, ce qu’on nous enlève c’est la liberté de contester. Aucun droit ne nous a été donné, il aura fallu aller les chercher à ceux qui détiennent le pouvoir.

La police résout peu de criminalité (dont la carte correspond avec la carte du chômage). Est-ce qu’on lutte contre l’insécurité avec ces lois ? Qu’est-ce que la sécurité ? La lutte contre les répressions est intrinsèquement liée à la lutte sociale. Face aux procès, aux amendes, on est seul. Il y a un bénéfice à être groupés, unis, ensemble…

Ce à quoi notre plate-forme d’associations comme d’autres resteront attentives ces prochains mois.

Compte-rendu effectué par Jérémy Cornet, stagiaire à Associations 21.