En Inde, en octobre 2012, 100 000 paysans ont marché vers Delhi sous la houlette du mouvement Ekta Parishad, pour revendiquer leurs droits à la terre et à une vie digne. Divers réseaux citoyens les ont soutenus depuis l’Europe. Ces actions ont porté leurs fruits! Retour sur ces événements de l’automne 2012…


jsmainpicture1.jpg
Chez nous aussi, la terre devient objet de spéculation, tandis que nos agriculteurs ne parviennent plus à obtenir un prix “juste” pour leurs produits. Dans divers pays du Sud, le problème est vécu avec encore plus d’urgence et d’acuité. D’où l’internationalisation du mouvement social qui lutte contre l’accaparement des terres et pour une répartition plus juste de celles-ci. Il y a quelques années, les manifestations des “paysans sans terre” d’Amérique Latine ont abouti à la création du mouvement international Via Campesina, qui compte des membres dans divers pays d’Europe dont la Belgique. En 2012, le mouvement Ekta Parishad relançait la dynamique au départ d’une action de grande ampleur, construite et planifiée de longue date…

Jansatyagraha, marche pour la justice

Jansatyagraha, la grande marche pour la justice d’octobre 2012, fut préparée soigneusement par les dirigeants d’Ekta Parishad qui sillonnèrent toute l’Inde durant plus d’un an pour constater, sur le terrain, les problèmes des sans terre et des sans abri, et les inviter à rejoindre leur mouvement.

Ekta Parishad n’en était pas à son coup d’essai. Des marches avaient déjà été organisées en 2007 et 2010, d’où la médiatisation de celle de 2012 qui effraya beaucoup les autorités de l’état fédéral. Celles-ci craignaient réellement de voir arriver à New Delhi les 100.000 paysans ralliant le cortège depuis leurs régions respectives. Ekta Parishad fonde son action sur l’héritage de Gandhi et sur des pratiques non violentes. La crainte des autorités n’était donc pas tant les risques de dérapage que le poids symbolique d’une telle manifestation, rassemblant tant de personnes spoliées de leur accès à la terre et à un logement digne, bref des moyens de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires.

C’est pourquoi, alors qu’ils n’étaient qu’à mi-chemin de leur grande marche, les autorités fédérales ont négocié et signé avec les instigateurs de Jansatyagraha un accord répondant globalement à leurs diverses revendications. Il faudra évidemment vérifier attentivement la mise en oeuvre de cet accord. Ce sera la tâche d’Ekta Parishad durant toute l’année 2013. En attendant, le 11 octobre, ses représentants ont décidé de stopper la marche et ont largement diffusé les résultats de l’action entreprise.

Le mouvement Ekta Europe

Bien avant d’être avertis de cette issue, des réseaux citoyens s’étaient mobilisés en Europe en organisant marches, conférences et autres actions non violentes en faveur d’une agriculture paysanne et durable et d’une alimentation saine, au nord comme au sud.

En Wallonie, différentes marches ont eu lieu:

 le samedi 22 septembre 2012 :

  1. A Namur : aboutissant à la ferme de Vévy-Wéron à Wépion
  2. A Liège : reliant Tawes au festival Tempo Color
  3. A Louvain-La-Neuve : jusqu’à Chaumont Gistoux

 le dimanche 23 septembre 2012:

  1. A Barvaux : parcours de la Place Sauvenière vers les jardins partagés
  2. A Bruxelles : d’Anderlecht au parc Marie José à Molenbeek où se trouve une statue de Gandhi. Accueillis par l’échevin de l’environnement de Molenbeek, et alors que se tenait dans ce parc une fête de l’environnement, nous avons rendu hommage à Gandhi puis chanté pour le climat, puisque ce jour là, divers groupes faisaient de même dans toute la Belgique (cf. le clip final réalisé par Nick Balthazar et projeté au Sommet climat de Doha!)

Ces actions ont permis de:

 Faire connaître en Belgique la marche organisée en Inde par Ekta Parishad mais aussi, plus largement, de promouvoir le droit des populations autochtones à leurs ressources naturelles, qui devraient être considérées comme un bien commun et non comme des ressources à vendre au plus offrant.

 Promouvoir la souveraineté alimentaire régionale, et participer ainsi au changement sociétal et à la mise en place d’une économie plus respectueuse de l’homme et de la nature.

 Résister aux différents mécanismes d’accaparement des terres, de l’eau, des semences, du vivant (brevetage), des normes, … et offrir un espace de dialogue pour reconstruire une économie plus conviviale.

 Agir en non violence pour la dignité, en refusant la misère, en dénonçant les violences du système qui dans notre société, tendent à marginaliser et à appauvrir de plus en plus de personnes.

Retour sur ces événements le 3 décembre 2012 à Bruxelles

Le 3 décembre 2012, nous avons eu l’occasion de rencontrer Rajagopal à Bruxelles, d’entendre les étapes parcourues par “la grande marche pour la justice Jan Satyagraha”, depuis sa préparation de nombreux mois avant jusqu’au succès de l’accord signé avec le Gouvernement, à Agra, le 11 octobre. Les échanges de l’après-midi avec les associations membres du Réseau de Soutien à l’Agriculture paysanne et ceux qui sont suivi la conférence du soir à la CSC nous ont permis de mieux comprendre ce que peut signifier la “non-violence active” : soit la gestion des conflits avec des méthodes modernes fondées sur le dialogue. A présent, Ekta Parishad va s’atteler au suivi des accords, tout en poursuivant les contacts internationaux avec les réseaux associatifs et syndicaux sur les enjeux qui nous sont communs, comme les accords de libre échange entre l’Europe et l’Inde… Ou la lutte contre l’accaparement des terres, constaté ici aussi !

En savoir plus sur Ekta Parishad