A Rio, les jeunes organisés en “groupe majeur” insistent auprès des négociateurs pour la prise en compte de l’éducation informelle et sur le soutien aux initiatives émanant des jeunes eux-mêmes, y compris sur le terrain de l’emploi. Rien ne vaut la pratique pour mettre en oeuvre le développement durable! Nous revendiquons aussi la possibilité d’une réelle participation. Enfin, il est temps de repenser en profondeur l’organisation des Nations Unies. Celles-ci représentent autant les citoyens que les Etats!


Olivier, comment sont organisés les jeunes au niveau international ?

Le Vlaams Jeugdraad que je représente à Rio et le Conseil de la Jeunesse font partie du groupe majeur « enfants et jeunes ». Nous nous préparons depuis plusieurs mois et sommes à Rio depuis le 4 juin, pour nous concerter sur nos positions et les défendre auprès des négociateurs. Du 10 au 12 juin, près de 3000 jeunes étaient rassemblés à l’occasion du Youth Blast pour se former à la mécanique onusienne, convenir de stratégies d’intervention, échanger des expériences, auditionner des personnalités, etc. (à suivre sur mon blog).

Quelle est votre préoccupation principale en matière d’éducation ?

Nous insistons particulièrement sur l’éducation informelle parce que nous constatons, au niveau européen notamment, une évolution vers le recentrage des moyens financiers en faveur de l’éducation formelle, quel que soit le niveau d’enseignement. Ainsi, l’Europe veut concentrer ses financements sur « Erasmus for all » qui élargit Erasmus à l’enseignement supérieur. Fort bien mais quid des jeunes qui n’arrivent pas jusqu’à l’enseignement supérieur ? L’éducation informelle, ce sont aussi les mouvements de jeunesse par exemple. Ceux-ci étaient soutenus par le programme Youth in action qui va faire les frais de cette réorientation des fonds. Idem pour le service volontaire européen. Cette préoccupation est partagée par les jeunes du monde entier, d’où notre souhait que l’éducation informelle soit réintégrée dans le texte de la déclaration finale, « the future we want ». C’est bien d’inclure le développement durable dans les programmes d’enseignement mais rien ne vaut la pratique, et les initiatives émanant des jeunes eux-mêmes (bottom up). L’enseignement c’est du « top down ».

En effet, c’est en créant soi-même qu’on est le plus motivé et qu’on apprend le mieux : ceci est vrai également en matière d’emploi, n’est-ce pas ?

Oui, les deux préoccupations sont liées. Nous suivons donc également avec beaucoup d’attention les négociations sur les emplois verts (green jobs), qui doivent bien sûr, de notre point de vue, être également des emplois décents. Nous revendiquons aussi des moyens pour le soutien aux jeunes entrepreneurs, qui se lancent dans les secteurs « verts ». Pour nous, l’économie verte, elle doit aussi venir du terrain (bottom up) et non être imposée d’en haut.

Et au niveau institutionnel, quelles sont les positions du groupe majeur « enfants et jeunes » ?

Nous voulions un Conseil du Développement Durable mais visiblement on s’oriente vers un « ecosoc » renforcé et complété par un « high level forum » développement durable qui serait surtout un processus intergouvernemental. Le G77, la Chine en particulier, ne veut pas d’une institution onusienne dédiée au développement durable qui serait réellement participative, c’est un problème pour nous. Quel est l’intérêt d’une participation de façade, où l’on est seulement observateurs et qui nous instrumentalise ? Nous voulons être réellement consultés.

Et que pensent les jeunes de cette idée d’ombudsman des générations futures ?

Vu la tournure que prennent les négociations sur la réforme institutionnelle, et ce qu’on n’obtiendra pas en termes de participation, cette idée est un bon joker. Nous y sommes favorables pour le niveau international mais aussi au niveau national. Un tel ombudsman existe déjà en Hongrie. Il travaille au sein du Parlement, avec les parlementaires. Il a un secrétariat, fait des recherches et des rapports, et peut mettre à l’agenda des sujets – en général de nature environnementale – qui ne sont pas abordés par les politiciens, guidés par le court terme. Il aborde donc ces sujets « qui passent entre les mailles du filet ». C’est aussi un point de contact pour la société civile qui peut lui transmettre ses préoccupations. Idem au niveau international. Pour le moment, le texte en négociation parle d’un haut commissaire pour le Développement Durable et les générations futures, sur le modèle du haut commissaire au droits humains. En plus de pallier au défaut de processus participatifs, un tel ombudsman peut aussi jouer un rôle symbolique important pour les médias, qui, on le voit, ne s’intéressent guère aux activités de l’écosoc !

A ton avis, comment l’ONU devrait-elle être réformée ?

Selon moi, les Nations Unies représentent autant les citoyens que les états. On voit bien ce que donnent les processus intergouvernementaux actuellement : les blocages sont insurmontables. Pour faciliter les négociations entre les 193 états membres de l’ONU, ceux-ci ont été répartis en blocs : Union Européenne, G77… Avec le temps, tout cela s’est rigidifié. Et dans un bloc comme le G77, certains pays sont plus émergents que d’autres, donc leurs intérêts divergent. Ceci dit, une refonte des blocs ne suffira pas pour surmonter les blocages. L’intérêt de mieux prendre en compte les parties prenantes au niveau mondial, c’est que celles-ci sont déjà organisées en réseaux internationaux, ce qui facilite le dialogue. Les temps ont changé, les équilibres géopolitiques aussi, de même que les moyens de communication. Les institutions internationales n’ont pas suivi. Il est temps de les repenser en profondeur, c’est l’enjeu du 2ème thème du sommet Rio+2O qui est la réforme institutionnelle. Nous voulons donc au passage assurer la participation des parties prenantes, mais parlons plutôt des citoyens pour que tout le monde s’y retrouve et pas seulement les entreprises !

C’est cela aussi, le changement de paradigme ?
En effet, ce n’est pas qu’une question de contenu mais aussi de processus. Pour rendre toute sa légitimité à la gouvernance mondiale, ce processus doit absolument être facilité.