Rencontre avec Joey Dellatte – Official Youth Delegate pour le Conseil de la Jeunesse dans le cadre de l’Assemblée Générale des Nations Unies qui s’est déroulée du 03 au 19 octobre à New-York


Peux-tu rapidement te présenter et nous expliquer quelles étaient tes motivations à aller à New-York ?

photo-joey-300x300.pngMon parcours associatif est assez varié. Ma toute première initiation c’était en tant que (très) jeune sympathisant chez Natagora, qui s’appelait encore AVES… Puis, mon parcours a bifurqué vers le social, par rapport aux questions LGBT. Après, je me suis impliqué dans le Conseil de la Jeunesse et j’ai organisé des événements avec eux, sur plusieurs sujets, notamment avec les associations dans lesquelles j’étais impliqué. Ensuite, j’ai été élu au Conseil de la Jeunesse et je suis devenu mandataire. J’ai également été élu administrateur, ce qui fait que je m’occupe des questions internationales au Conseil de la Jeunesse. J’avais aussi une envie personnelle de parler de mon parcours à ce niveau-là, c’était quelque chose qui me paraissait être un aboutissement par rapport aux expériences que j’avais faites ces dernières années.

Comment ça se passe concrètement une Assemblée Générale à l’ONU ?

On a eu 9 jours de travail sur place, à New-York, sans compter les week-ends. Concrètement, il y a d’un côté toute une partie plutôt speech, qui est très emballante parce que tu as l’impression que tu peux vraiment dire ce que tu veux, même si on est un peu cadenassé. Ensuite, d’un autre côté, il y a aussi les moments informels de travail, où là c’est beaucoup plus frustrant parce qu’il faut trouver des résolutions où tu es pertinent, où ton champ d’expertise est pertinent. Après, tu peux avoir un champ d’expertise personnel, mais là tu es là-bas en tant que délégué jeune. Parfois c’est compliqué parce qu’on a envie de donner son avis personnel, avec notre expérience, mais on ne peut pas. Parfois, on n’écoute pas notre avis non plus, ou on ne répond pas à nos mails. C’est quelque chose qui arrive très régulièrement. Ce sont des gens très occupés, il ne faut pas non plus leur jeter la pierre. Par exemple, le diplomate avec qui on était en relation avait 75 résolutions en route.

La première semaine, dans le cadre des négociations informelles, il n’y avait rien concernant vraiment la jeunesse ou en tout cas où on pouvait valoriser notre expertise, donc ce qui s’est passé c’est qu’on a vraiment beaucoup travaillé avec les agences de l’ONU, pour les événements vraiment organisés pour nous et où on avait la parole. Il y a eu notamment un side event “Climate change and sustainable development agenda” qui était organisé par les Etats-Unis. On a donc eu l’occasion unique d’aller parler à l’ambassade des Etats-Unis. J’ai fait partie des gens qui ont été invités, j’ai pu donner mon avis, j’ai pu parler du Climate Express et de ce qui se passait en Belgique, et surtout des points qui avaient été mis en place par le Conseil de la Jeunesse. On avait organisé une consultation par internet juste avant pour récolter la parole des jeunes, donc là c’était des petits témoignages sur les questions climatiques et on avait des exemples géniaux qui ont été super percutants. A Paris, en 2015, il va se passer des choses super importantes et on se rend compte que tous les pays vont devoir faire des concessions. J’ai donc dit que pour les jeunes, le plus important, c’est que la société civile s’empare du problème et que les gouvernements se rendent compte que les gens sont concernés et qu’on ne peut plus revenir en arrière, qu’on doit aller de l’avant. Dans ce cadre, c’était plutôt une parole générale, citoyenne, on ne voulait pas rentrer dans les détails parce que le panel autour de nous n’était pas spécialisé. Le but, c’était de sensibiliser les jeunes à ce qui se passait, même s’il y avait quelques diplomates autour de nous, et j’ai pu remarquer que pas mal de jeunes étaient intéressés par ce qui se passait en Belgique. La Finlande par exemple est intéressée par l’idée du Climate Express et ils seraient motivés de lancer la même dynamique chez eux.

On a aussi été invités à d’autres événements, par exemple, sur la question du financement du développement durable, et on s’est rendu compte qu’il n’y a parfois qu’une idée autour de la table, il y a très peu de confrontations. Et donc, à ce genre d’événements, là on nous disait très clairement de ne pas intervenir, c’était juste pour notre propre connaissance.

En termes de préparation, qu’avez-vous mis en place pour récolter la parole des jeunes ?

Il y a donc eu le sondage en ligne, on a eu une cinquantaine de réponses. Ça a été fait un peu rapidement. On a d’abord travaillé sur les thématiques en commission internationale du Conseil de la Jeunesse, avec pas mal de personnes. En gros, on a beaucoup travaillé sur nos priorités. On en avait 8 ou 9 au départ et on a dû les limiter à 3, qui sont donc l’emploi des jeunes, la lutte contre les discriminations et les inégalités de genre et les questions de changement climatique. C’est super vaste, mais c’est normal. On n’a pas l’ambition d’être des experts sur un sujet précis, mais d’être plutôt la voix générale des jeunes, et les jeunes s’intéressent à plusieurs thématiques, et pas à une seule. Ca dépend aussi des sommets, mais ici c’était un sommet très généraliste. Donc l’idée, c’était de représenter l’ensemble des enjeux actuels pour les jeunes, sans rentrer dedans en détail. Il y a aussi la note du développement durable qui était associée à ces trois priorités.

Quelle relation aviez-vous avec les autres délégués jeunes sur place ?

On travaillait beaucoup avec les autres jeunes délégués. Régulièrement, on se liguait à 7, 8,9 ou 10 jeunes délégués et là évidemment, c’est beaucoup plus facile d’avoir de l’impact parce que chacun des délégués revient par la suite vers sa mission. Beaucoup étaient européens donc on allait vers la mission européenne et c’était plus simple d’avoir de l’influence quand on travaillait groupés. Il y avait vraiment beaucoup de liens entre nous. Déjà, on logeait ensemble, à 6 jeunes délégués. Il y avait donc les deux belges, deux allemands, le néerlandais et l’autrichienne. L’ambiance était super chouette, et ça amenait aussi une réelle atmosphère de travail. C’est généralement des personnes qui viennent d’un certain milieu d’activisme, et qui ont des expériences inspirantes. J’ai par exemple pu travailler avec le délégué néerlandais sur l’agenda post-2015 dans tous les endroits où on nous donnait la parole à ce sujet-là, même si c’était très peu, et en plus de ça, on a pu travailler sur ce qui allait se passer en Belgique donc des collaborations vont certainement naître. Il y a des liens qui se font, au-delà de l’aspect formel.

L’agenda post-2015 est en fait super général. Avant, on se contentait de parler d’environnement, maintenant on se rend compte qu’il faut un agenda qui soit aussi social, économique,…d’un côté, c’est bien, d’un autre, il y a le risque de diluer complètement les questions environnementales. Donc avec les autres jeunes, on essayait d’aller dans ce sens-là, de dire qu’on voulait un agenda post-2015 généraliste mais qui lie tout, sans perdre de la substance.

L’agenda post-2015 est-il vraiment approprié par l’ONU? Il y a une réelle réflexion de fond sur ces enjeux?

Je pense que tout tombe très bien. On doit renouveler Kyoto, la COP21 représente un enjeu majeur et post-2015 c’est symbolique. Il y a aussi la fin des Objectifs du Millénaire. Donc il y a plusieurs choses qui convergent, et j’ai l’impression, en tout cas j’ose espérer, qu’il y a une réelle volonté de vouloir aboutir à quelque chose d’ambitieux. De la part des onusiens, c’est le cas, parce que quand on les rencontre, on réalise que ce sont des gens hyper passionnés, sur des sujets très précis. Mais le problème, c’est que ce ne sont pas eux qui décident. Qui décide? Ce sont les missions. Et dans les missions, certains pays sont très conservateurs sur certains sujets. Quand on voit la Russie, la Chine, les Etats-Unis, on sait que ces pays sont contre certaines avancées. Je pense que l’agenda doit être le plus ambitieux possible, parce que de toute façon il sera réduit. Et il faut qu’il y ait des pressions citoyennes dans tous les pays. C’est pour ça que des initiatives comme le Climate Express ont un rôle tellement important. C’est par ce genre d’événements qu’on montrera aux gouvernants qu’ils doivent arriver à quelque chose. Parce qu’il est déjà trop tard, et pas seulement sur les questions climatiques, aussi sur les questions d’inégalité socio-économiques par exemple. Si ce n’est pas à ce niveau-là que ça se joue…

Penses-tu que des institutions comme l’ONU ont encore un réel rôle à jouer dans ce genre d’enjeux?

Il faut être lucide, l’influence que l’ONU a sur les gouvernements est minime. Une résolution de l’ONU, ce n’est pas un décret de l’Union Européenne. L’Union Européenne, oui, là il y a une influence totale, c’est là qu’il faut influencer les choses. Mais ça ne veut pas dire qu’une résolution de l’ONU n’a pas d’intérêt. L’intérêt, c’est de créer du langage, c’est-à-dire de petit à petit avoir des résolutions qui reviennent, qui s’améliorent et progressivement, ça devient contraignant par la coutume. C’est vraiment comme ça que ça fonctionne à l’ONU, donc c’est petite pierre par petite pierre et c’est jeune délégué par jeune délégué qu’on pourra influencer un minimum. Il faudra peut-être 15 ou 20 ans de jeunes délégués pour avoir tout un agenda jeunesse ambitieux par exemple, mais ça se fera peut-être.

Quelle relation aviez-vous avec la mission belge?

C’est une relation à construire sur le long terme. Je pense qu’il y a une bonne relation mais la vision qu’ils ont de l’implication des jeunes délégués pourrait être améliorée. Il faut aussi faire notre propre examen de conscience: au sein du Conseil de la Jeunesse, on doit créer un système qui doit être pérenne et qui permette d’envoyer des personnes qui puissent avoir de la crédibilité parce qu’il y a derrière un programme solide, qui permette d’aller à plusieurs événements, d’être connu de la mission. A la fin de celle-ci, on commence à connaître des gens et on peut influencer un minimum. Donc une dizaine de jours, c’est trop court. Généralement, les jeunes délégués n’ont la chance de partir qu’une seule fois, pour une mission, donc c’est intéressant pour l’expérience, mais pas pour l’influence. Car chaque jeune délégué doit tout recommencer. Donc pour moi, il y a quelque chose à jouer là dessus.

Il y a de grandes différences aussi entre les pays. La Suisse par exemple envoie six jeunes délégués et ils ont beaucoup plus de mandats, beaucoup plus la culture de participation des jeunes. Il y a aussi différentes façon d’impliquer les jeunes. En Belgique, les jeunes délégués sont très distants par rapport à la mission, contrairement à la Suisse où ils sont quasiment des internes. Ce qui n’est pas forcément positif parce qu’ils n’ont aucune latitude et sont là pour faire des rapports. Alors que nous, on a une marge de manœuvre un peu plus grande, même si le regard critique n’est pas toujours possible vu qu’on fait quand même partie de la mission et on est verrouillé par rapport à ça. C’est souvent frustrant, et compliqué, mais c’est contrebalancé par l’impression de privilège qu’on ressent à pouvoir participer à un tel événement.

Qu’est-ce que tu retiendras de ces dix jours?

Le speech, probablement. Le discours qu’on a eu l’occasion de faire, c’était vraiment le temps fort. C’était un speech devant le 3ème Comité de l’Assemblée Générale, qui s’occupe des questions sociales et de Droits humains et est donc composé de diplomates représentant tous les pays du monde. On a eu la chance de parler au nom de la Belgique, donc on est écoutés comme si c’était un pays qui parlait. On a d’abord préparé nos propres parties du speech au niveau du Vlaamse Jeugdraad et du Conseil de la Jeunesse, chacun de notre côté. Puis, on a travaillé sur un texte en commun avec Lien, ma co-déléguée néerlandophone, et ensuite, on l’a envoyé aux Affaires Etrangères, qui l’ont remodifié. On n’était pas trop contents de cette modification, donc on l’a remodifiée et envoyée à l’ambassade à l’ONU; le diplomate a accepté notre dernière version, qui était un bon compromis. On a fait le choix de ne pas faire un speech trop global, parce que les discours trop généraux, personne ne l’est écoute, il faut se rendre compte qu’il y a 150 speech de cinq minutes. On a du coup essayé de lier les luttes contre les discriminations et inégalités de genre avec le droit de la jeunesse. On a fait le pari de ne parler que d’un seul sujet, pour être écouté. On aurait pu parler des trois priorités, mais en aussi peu de temps, ça aurait été vraiment court. C’est un choix qui est payant parce qu’on a eu des retours très positifs par rapport à ce speech et on a eu l’occasion de venir parler à d’autres endroits, grâce au speech.

Et pour la suite?

Il y a énormément de contacts, on va faire un rapport, on essaie de venir parler à certains partenaires. C’est surtout l’impact qu’on a sur place qui est important et puis assurer la suite avec les autres mandats. On va également mettre à jour le blog des jeunes délégués et faire un article récapitulatif de tout ce qui s’est passé.

Propos recueillis par Marie Dagnely

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[Présentation de Joey->http://www.conseildelajeunesse.be/notre-jeune-delegue-a-lonu/
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