En vue d’une rencontre prévue le lundi 11 octobre 2010 au cabinet du 1er ministre, le Conseil Fédéral du Développement durable a préparé une note synthétisant les positions des parties prenantes pour le “plan national de réforme” que la Belgique doit remettre en novembre 2010 dans le cadre de la Stratégie EU 2020.

Voici la position des ONG telle qu’élaborée le 4 octobre 2010 par Inter-Environnement Wallonie et Associations 21:

Crise financière et économique de 2009, augmentation inéluctable du prix de l’énergie face à la raréfaction de la ressource, déclin massif de la biodiversité, objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % d’ici 2050… : le contexte économique, environnemental et social actuel rend impossible la poursuite d’un scénario business as usual.

Comme l’ont démontré de nombreux économistes, dont Nicholas Stern, plus nous attendons, plus ces adaptations coûteront cher à la société, confrontée au double défi de l’adaptation aux conséquences des changements climatiques et à la mise en oeuvre d’une nouvelle révolution économique.

La rédaction de plans nationaux de réforme à travers l’Europe doit être l’occasion d’organiser la transition.

La définition de ‘croissance durable’ revêt à ce titre un caractère fondamental. La durabilité implique nécessairement l’utilisation d’indicateurs complémentaires au PIB permettant de mesurer le niveau de développement humain et de bien-être, mais aussi l’impact environnemental de nos activités (via l’empreinte écologique).

Le plan national de réforme doit envisager la transition économique de certains secteurs industriels vers d’autres secteurs porteurs d’avenir (énergies renouvelables p.ex.) mais aussi vers les services de l’économie sociale et solidaire, avec, en point de mire, les objectifs communs définis dans les autres stratégies européennes. L’absence de mention de la Stratégie développement durable est révélatrice d’un cloisonnement encore trop présent entre les 3 piliers du DD.

Aux yeux des ONG, la Stratégie EU 2020 n’est pas suffisamment prospective et n’adresse pas les problèmes avec le bon angle de vue. Et il n’est rien dans les déclarations du Conseil Euopéen pour rassurer. Non seulement le slogan « Emploi et croissance » a repris le pas sur celui de « croissance intelligente, durable et inclusive » mais en plus, les motivations de la stratégie ne font aucune mention de la lutte contre le changement de climat ni de la nécessité de développer une économie bas carbone.

C’est pourquoi les ONG souhaitent que le Plan National de Réforme de la Belgique permette et organise la transition économique, avec l’objectif général de placer les personnes et la planète au centre de ses décisions politiques.

Cette nouvelle stratégie économique et de gouvernance devrait être au service de cinq objectifs, définis par la Spring Alliance :

  • Préserver et restaurer les écosystèmes
  • Bâtir des sociétés équitables
  • Promouvoir des emplois verts et de qualité
  • Assumer la responsabilité de l’UE dans le monde
  • Renforcer la démocratie

De manière particulière, nous demandons que le PNR de la Belgique puisse :

  1. Prendre mieux en compte les processus politiques en matière de développement durable, tant au niveau fédéral que régional, en vue d’une approche intégrée des préoccupations économiques, sociales et environnementales.
  2. Planifier un « sustainable new deal » qui réorienterait notre production et notre consommation en tenant compte à la fois des défis écologiques, de la justice sociale au nord comme au sud, et d’une économie saine.
  3. Mesurer l’utilisation totale des ressources par la Belgique, y compris l’utilisation des matières premières, de l’eau et du sol, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre, tant en interne qu’en lien aux importations. Fixer des objectifs de réduction de l’utilisation des ressources d’ici à 2011 et réduire la production de déchets en établissant des objectifs de prévention d’ici à 2012. Fixer des objectifs contraignants d’ici à 2010 afin de réduire la consommation totale d’énergie primaire d’au moins 20 % au cours des dix prochaines années et s’engager à réaliser des réductions supplémentaires afin d’atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre.
  4. Sur base de l’évaluation des efforts entrepris aux différents niveaux de pouvoir en matière d’efficacité énergétique dans les secteurs de la construction, du logement, de l’industrie et des transports, planifier les actions prioritaires à mener dans ces différents secteurs, dans la perspective d’une économie pauvre en carbone, ayant pour objectif une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020.
  5. Poursuivre le développement de modes de production et de consommation durables, notamment via les achats publics qui ont un effet de levier important sur l’économie. En la matière il convient de requalifier notre pays dans la moyenne européenne en matière de marchés publics durables, en visant, pour 2020, l’objectif de 100% d’adjudications « vertes » dans les groupes de produits pour lesquels les critères de durabilité ont été établis au niveau européen.
  6. Veiller à l’intégration des politiques sociales et environnementales dans les modes de production et de consommation, de sorte que les emplois de l’économie verte répondent aux critères du travail décent, au nord comme au sud. Pour ce faire il existe l’outil des « social life cycle assessments » que la Belgique met en avant dans le cadre de la présidence belge de l’UE (« sustainable consumption and production » patterns). -#Systématiser l’étude des impacts des décisions sur le développement durable (EIDD) aux différents niveaux de pouvoirs en garantissant la transparence des procédures et en y associant les partenaires sociétaux via les conseils d’avis tels que le CFDD.
  7. Rappeler qu’en matière d’investissement dans la connaissance et l’innovation, l’éco-innovation peut viser tant des produits que des technologies, processus ou organisation de services, d’entreprises ou de marchés. De plus, l’éco-innovation ne vise pas seulement l’invention mais aussi la diffusion et l’adoption de nouvelles pratiques. Or il est important que ces nouvelles pratiques puissent être rendues accessibles à tous afin d’orienter notre pays vers une économie non seulement intelligente et durable, mais aussi inclusive. L’éco-innovation doit donc prendre en compte les préoccupations des citoyens les plus précaires, afin que les nouvelles pratiques répondent à leurs besoins tout en leur permettant d’améliorer leurs connaissances et savoir-faire. Cette approche doit également permettre à l’éco-innovation d’éviter les « effets pervers » tels que par exemple, le fait que les plus pauvres n’accèdent pas à des mesures prises pour eux en matière d’économie d’énergie, d’éco-rénovation, etc.
  8. Collecter les résultats engrangés par les « alliances emploi-environnement » mis en oeuvre aux différents niveaux de pouvoir et vérifier leur impact tant sur les pratiques des secteurs associés que sur le nombre et la qualité des emplois créés. Promouvoir les bonnes pratiques mises en oeuvre dans ces « alliances », en particulier lorsque celles-ci permettent une inclusion durable des groupes à risque dans les emplois verts (efficacité énergétique, énergies renouvelables, réutilisation et recyclage). Dans cette perspective, veiller à ce que les acteurs de l’économie sociale soient désormais associés aux « alliances emploi-environnement ».
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    A la plume: Toine Bryx