Dans le cadre du groupe de travail habitat d’Associations 21, nous nous sommes penchés sur la question des normes de produits des matériaux de construction. Il en est en effet souvent question au Conseil Fédéral du Développement Durable où sont arbitrées les questions économiques, sociales, d’environnement et de santé. Nous synthétisons ici les positions et expériences des différents membres d’Associations 21.


Préconiser la régulation des matériaux à la source, c’est-à-dire au niveau des normes de produits relève de la protection des consommateurs et de notre cadre de vie. Cela signifie que si un produit représente un danger en termes de santé publique [[Nous faisons référence ici aux produits ayant un caractère cancérigène, mutagène, repro- neuro ou immuno-toxique ou de perturbation du système endocrinien, ou encore persistant et bioaccumulable.]] il convient de l’interdire plutôt que d’inciter le consommateur à la prudence. En effet, transmettre des conseils d’utilisation dont on ne saura jamais s’ils sont respectés ou non ne peut être considéré comme suffisant et responsable.

Cette approche se justifie d’autant plus au vu du manque de clarté des étiquettes et des fiches techniques d’utilisation de nombreux produits et vu l’absence de respect et la non-prise en considération des consignes de sécurité (port d’un masque, de gants, etc.) par la majorité des usagers. Il est aussi difficile de différencier l’usage des produits selon qu’ils sont utilisés par des professionnels ou des particuliers, excepté dans certaines situations particulières (ex. les produits d’entretien utilisés dans les hôpitaux). Hormis ces exceptions sectorielles, cibler les professionnels dans les consignes d’utilisation revient à exclure les particuliers d’une sensibilisation dont ils auraient également besoin. Quant aux fiches techniques d’utilisation, elles ne sont pas toujours faciles à lire. Il n’est que de voir la taille des inscriptions (souvent minuscules) sur les emballages !

La prise en compte de la vulnérabilité particulière de certains publics, dont les enfants, et l’application du principe de précaution doivent dès lors constituer les socles de cette approche.

Dans ce cadre, la labellisation des produits plus respectueux de la santé ou de l’environnement n’apporte une réponse qu’à la marge. Certes, les labels permettent de mettre en évidence les produits qui constituent de bons exemples sur le plan environnemental. Mais d’expérience, on sait que les acheteurs de ces produits sont des personnes favorisées culturellement, si pas financièrement. Ces produits restent donc cantonnés à des niches de marché bien trop restreintes. Pour éviter de renforcer des inégalités de santé déjà existantes, il convient donc de définir des règles qui garantiront la protection de l’ensemble des consommateurs.

Cette approche n’est traduite que partiellement, dans le règlement REACH qui prévoit l’enregistrement et l’évaluation des substances chimiques avant leur mise sur le marché. Pour les substances les plus dangereuses, des alternatives plus sûres doivent être développées. Il en va désormais de même pour les produits phytosanitaires et les biocides : les substances les plus dangereuses seront interdites. Cependant, les clauses d’exception prévues laissent une porte ouverte aux dérives. Il est donc indispensable que des moyens suffisants soient accordés au travail d’évaluation des substances, qu’il s’agisse du niveau européen ou du niveau belge. La prise de décision doit aussi être assortie d’une totale transparence et de la participation du public.
Notons que dans le panorama institutionnel belge actuel, les normes de produits sont une compétence fédérale. Vu les compétences actuelles des régions, un dialogue structurel entre ces deux niveaux doit être établi pour garantir une vision commune de l’objectif à atteindre, en vue duquel chaque niveau accomplira ce qui lui revient. Cette nécessité s’applique notamment aux dossiers relatifs à la protection de la qualité de l’air.

Au niveau fédéral, un plan produit a été adopté en 2009. Ses arrêtés d’application sont soumis à consultation, notamment via le CFDD. Les associations y constatent que face aux tentatives des industriels d’affaiblir les normes, l’Etat n’est pas toujours assez ferme. Or, Le but des normes de produits est d’éviter les substances dangereuses et non de servir les intérêts des sociétés commerciales.
Elles doivent aussi permettre d’instaurer des modes de production et de consommation respectueux de l’environnement et de la santé, et être pensées pour répondre aux besoins des publics les plus vulnérables, par exemple pour la construction ou la rénovation des crèches. Les progrès engrangés dans ce cadre bénéficieront dès lors à l’ensemble de la population.

Pour autant, les normes de produit ne doivent pas devenir un facteur d’exclusion, en rendant impossible l’auto-construction ou l’auto-fabrication de produits, par exemple pour l’isolation. Des alternatives en termes d’expérimentation ou de réutilisation doivent rester autorisées et reconnues dans la certification (par exemple de la performance énergétique) dès lors qu’elles s’avèrent tout aussi efficaces et qu’elles ne présentent aucun danger pour l’environnement ou la santé. Il s’agit d’un enjeu important pour la sensibilisation des plus précaires aux risques environnementaux. Ainsi, on peut remplacer les produits détartrants par le vinaigre qui est moins cher et non toxique.

Cette sensibilisation est souvent mise à mal par les messages véhiculés par la publicité commerciale, qui vise à faire consommer toujours plus de produits, quels que soient leurs impacts – et souvent en passant sous silence les effets néfastes des produits. Vis-à-vis de cette publicité commerciale, la distance critique est de rigueur, or ce sont ceux qui sont les moins armés culturellement et financièrement qui en subissent le plus l’impact. C’est pourquoi la publicité elle aussi, doit être régulée (quant à l’interdire pour les produits nocifs, il est évidemment préférable dans ce cas d’interdire le produit lui-même!).

C’est dans cette perspective que de nombreuses associations ont signé un manifeste pour la création d’un Conseil Fédéral de la Publicité, à l’instigation du CRIOC et d’autres associations (pétition). Associations21 soutient cette initiative, tout en soulignant l’importance qu’un tel Conseil fonctionne indépendamment du secteur concerné.