Warda El Kaddouri, membre du Vlaams Jeugdraad, a publié ce coup de gueule en néerlandais sur le site de MO* Magazine. A l’heure où nos médias se perdent en vaines considérations sur le burkini, il nous paraît essentiel et urgent de transmettre la traduction française du message de cette jeune femme qui s’inquiète – comme nous – des vraies menaces pesant sur l’humanité. N’hésitez pas à diffuser!


Les oliviers du grand-père de Warda El Kaddouri dans les montagnes du Rif dépérissent sous la chaleur étouffante et la sécheresse anormale. Le sol est poussiéreux, les feuilles sont sèches et les olives douloureusement absentes. Ici et là, il y a une petit balle dure et sèche par terre. Le diagnostic est clair. Pas d’huile d’olive cette année.

Warda El Kaddouri, 10 août 2016, MO*Magazine

Les scientifiques ont prédit que le nord du Maroc, à l’instar de nombreuses régions d’Afrique du Nord et de l’Est, souffrirait de la désertification causée par le réchauffement climatique. Si j’essayais d’expliquer cela à mon grand-père, il rejetterait probablement cette prévision et me rassurerait : tout est dans les mains de Dieu, et l’an prochain est une nouvelle année. Il n’est pas dans le déni parce qu’il ne croit pas en la science du changement climatique, mais parce qu’il espère qu’une puissance supérieure renversera la vapeur. Il ne nie pas le mal, mais espère le bien. L’espoir c’est la vie, et c’est de vie que les oliviers ont besoin.

Par ailleurs, il reste des climato-sceptiques qui rejettent le phénomène ou le considèrent comme un cycle tout à fait naturel. Et Monsieur et Madame Tout le Monde qui rient sous cape : ” Quelques degrés de plus sont bienvenus pour pouvoir s’allonger un peu plus souvent sur la plage et faire des barbecues au jardin. Pourquoi en faire tout un plat ? La terre ne va pas disparaître dans une boule de feu apocalyptique. ”

Mais – et cela est beaucoup plus dangereux – il y a aussi les hommes et les femmes à la tête de notre pays. Ils me font penser à des films Hollywoodiens sur les catastrophes climatiques où de sympathiques scientifiques alertent d’un danger imminent des politiciens arrogants qui ne leur prêtent aucune attention. Ce sont des personnages détestables que vous aimeriez faire sortir de l’écran de télévision pour leur flanquer une bonne raclée.

Je l’avoue, un tel sentiment m’a saisie quand j’ai entendu le ministre Theo Francken remettre en question les changements climatiques et se défendre en se cachant derrière les républicains américains. Un sénateur du même parti que lui a un jour apporté une boule de neige de son jardin en séance plénière pour prouver que la terre ne se réchauffe pas du tout.

Pensée à court terme

Les changements climatiques vont, dans les prochaines années, provoquer des déplacements massifs et des courants migratoires d’une ampleur sans précédent. Il s’agit non seulement de la hausse des température moyennes mais aussi de conditions météorologiques toujours plus extrêmes. Les calottes glaciaires fondent à un rythme que jamais personne n’avait osé prédire. Nous voyons de plus en plus souvent des sécheresses terribles d’un côté et de graves inondations de l’autre.

On ne peut d’ailleurs plus suivre les records battus dans ce domaine. Depuis 2008, chaque seconde, au moins une personne est forcée de quitter sa maison à cause des problèmes climatiques et des catastrophes naturelles. Même le conseiller en sécurité nationale de l’ancien président américain George W. Bush affirme que les changements climatiques constituent une menace grave pour la sécurité : c’est dire si l’heure est grave.

Parce que notre système politique est à l’étroit dans une visée à court terme de gains électoraux, ma confiance en une quelconque amélioration politique est nulle. Qui a actuellement le courage de prendre des décisions dans l’intérêt de la société, non seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour demain ?

La solution à cet échec politique est, selon l’avocate écossaise Polly Higgins, de revenir au pouvoir de la loi. Elle a d’ailleurs voué sa vie à rendre l’écocide punissable par la Cour pénale Internationale.

Disproportions dans la couverture médiatique

L’Overshoot Day, jour où nous avons épuisé les ressources de notre planète pour un an et commencé à vivre à crédit, a eu lieu cette année le lundi 8 Août.
Ce jour-là, j’ai compté sur le site du Morgen 16 articles sur le terrorisme et 2 sur le climat, sur celui du Standaard 8 articles sur le terrorisme et aucun sur le climat, et dans Het Nieuwsblad et De Tijd, chacun trois articles sur le terrorisme et aucun sur le climat. Ce constat symbolise la sensation désagréable que j’ai depuis un certain temps : l’attention et la peur de la menace du terrorisme sont disproportionnées par rapport à la menace d’un climat chamboulé.

La peur est présente dans une certaine mesure chez tout le monde et c’est compréhensible. Je l’éprouve parfois aussi. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai eu tout à coup un sentiment de peur lorsque je me prélassais au soleil, parmi des centaines de gens, au Festival du film de Vienne, au milieu de stands de cocktails et snacks exotiques. Une pensée incontrôlable qui se manifeste à l’improviste : Et si…?

La menace terroriste est réelle, mais les changements climatiques, eux, mettent carrément en danger l’existence de l’espèce humaine sur terre. Je me demande comment nous verrons, dans quelques décennies, cette époque qui est la nôtre à présent. Pourrons-nous dire que nous avons fait assez pour arrêter les effets dévastateurs des changements climatiques et d’un écosystème perturbé ? Ou allons-nous dire que le point de basculement environnemental essentiel, la plus grande menace existentielle pour l’humanité sur cette planète était le terrorisme ?