Un certain nombre de recommandations ont été formulées dans le document Pistes pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable concernant l’objectif 2. Ce qui suit les précise ou les complète avec des apports exprimés par le CFDD dans son avis du 24 avril 2015 sur les gaspillages et pertes alimentaires, ou bien en provenance de FIAN, Financité ou du CBCS.

À l’échelle de la Belgique

Droit à une alimentation saine

Sur le fond, «le seul véritable moyen de sortir de l’aide alimentaire est de disposer d’un revenu suffisant». La protection sociale est une condition essentielle aujourd’hui pour que l’urgence ne devienne pas structurelle comme c’est le cas aujourd’hui.
Or, depuis l’arrêt du Programme européen de distribution de denrées alimentaires (PEAD) en 2013, l’aide alimentaire a été intégrée dans un nouveau Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD). La disponibilité de l’aide alimentaire n’est plus garantie pour l’avenir alors que la demande est croissante. Les organisations d’aide alimentaire réclament la mise en place d’un système d’aide aux plus démunis basés sur l’existence de droits, adossées à des budgets suffisants permettant aux bénéficiaires de sortir de l’état de dépendance.

17avril2015carre.png Lorsqu’il était Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter allait dans le même sens en insistant pour que l’aide alimentaire s’inscrive dans le soutien à l’émergence de « régimes alimentaires durables ». Pour ce faire, le cadre réglementaire et fiscal belge devra être modifié afin de permettre le développement d’initiatives novatrices en matière d’aide alimentaire, telles que les épiceries sociales et les restaurants sociaux, les innovations portant sur la manière d’assurer une égale dignité à tous les publics. Citons par exemple la bourse aux dons, plateforme de gestion des dons mise en œuvre par la Fédération des Services Sociaux.

Comme l’indique FIAN dans son rapport “le droit à une alimentation adéquate en Belgique“, vu les problèmes d’obésité et de régimes alimentaires inadéquats, les programmes d’information et de sensibilisation sont à renforcer. Il est aussi nécessaire de mieux encadrer les pratiques des entreprises de l’agroalimentaire, en adoptant des mesures volontaristes, telles que la taxation des produits malsains et la réglementation des pratiques commerciales nuisibles, notamment la publicité auprès des jeunes.

Lutte contre le gaspillage

Face aux gaspillages alimentaires, de nouvelles actions de sensibilisation et d’information du consommateur, par exemple en ce qui concerne la date de péremption, le comportement d’achat et l’attitude critique à l’égard de la consommation et de la publicité sont à mettre en place. Des emballages adéquats et des bonnes pratiques de conservation avant et après l’ouverture de l’emballage devraient être promues et échangées au sein de la filière de production.
Il est aussi nécessaire d’identifier les pertes induites par les normes sanitaires, les critères cosmétiques ou certaines pratiques commerciales de façon à ce que les pouvoirs publics prennent des initiatives amenant la chaîne agroalimentaire à diminuer ou supprimer les gaspillages.

Droit des paysans

luttespaysannes2012_reduit.jpg Dans son rapport, FIAN insiste pour que l’accès aux terres agricoles pour les petits agriculteurs et les jeunes passe notamment par une meilleure répartition des aides de la PAC par les régions en faveur des petits agriculteurs (moins de 50 ha) pour éviter la concentration au main d’une minorité.
Limiter la spéculation sur le prix des terres demande la mise en place d’un observatoire du foncier débouchant sur des mesures à prendre pour limiter l’artificialisation des terres et la création de banques foncières au niveau régional .
Comme l’ont demandé le MAP et la FUGEA, les règlementations sanitaires de l’AFSCA sont à adapter afin de mettre fin aux discriminations de facto dont souffrent les petits agriculteurs et les circuits-courts face à l’industrie agroalimentaire.

Formation et recherche-action

Favoriser les ceintures urbaines implique de développer et d’engager des programme de recherche publique en matière d’agro-écologie ou de transition vers l’agro-écologie et plus particulièrement en faveur des systèmes agriculture-élevage-nature qui articulent connaissances scientifiques et pratiques, savoirs des gestionnaires et « compétences » des animaux

Organisation économique

Des circuits courts et des relations intensifiées entre producteur(ice)s et consommateur(ice)s au sein de réseaux alimentaires locaux, comme la valorisation du produit à la ferme sont à promouvoir. La démarche de la ceinture alimentaire liégeoise est à ce titre exemplaire.
Un cadre juridique doit être créer autorisant la certification participative ou « Système de Garantie Participative (SGP) » qui permet la réappropriation des critères de qualité par les producteurs et les consommateurs, à l’image du SGP créé par des citoyens engagés et les paysans de la Ferme Arc en Ciel.
Tout en privilégiant la lutte contre les causes de la pauvreté, des expérimentations et leur généralisation sont à soutenir pour que l’aide alimentaire contribuer à éviter le gaspillage par une meilleure gestion des invendues auprès du secteur de la distribution et de la transformation. L’aide alimentaire peut aussi contribuer à la création d’emploi dans les secteurs de l’agriculture biologique de proximité, la distribution et la transformation des denrées en produits alimentaires locaux de qualité. Les nouvelles formes de commercialisation sous forme de coopératives comme BEES coop s’efforcent de “proposer à ses membres une alimentation de qualité à prix réduit, en donnant la priorité aux producteurs locaux, aux circuits courts et aux produits de saison. De ce fait, elles promeuvent une agriculture paysanne, respectueuse de l’humain et de l’environnement”.

A l’échelle européenne

ogm_toujours_pas.pngLes autorités belges sont invitées à intervenir au sein du Conseil européen et auprès de la Commission pour garantir des prix stables et équitables pour les producteur(ice)s, qui favorisent une agriculture qui ne nuit pas à l’environnement. Cette équité est possible s’il y a internalisation des coûts dans le cas de systèmes de production qui externalisent les coûts sociaux ou environnementaux dans le prix de la nourriture. Il leur est demandé d’œuvrer à la suppression de la directive européenne sur les agrocarburants et à la modification de la règlementation en matière de semence. La mise en place de dispositifs participatifs où chercheurs et paysans contribuent à un cahier des charges de semences paysannes répondant aux objectifs de souveraineté alimentaire en sera un préalable.

A l’international

Une trentaine d’ONGs ont interpellé le gouvernement belge pour soutenir le processus de négociation de la Déclaration des droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales, puis œuvre à son adoption auprès des pays européens membres du Conseil des droits de l’Homme. Il peut aussi agir concrètement auprès des instances internationales pour contrer l’accaparement de terres en particulier dans les Pays du Sud.poster_landgrab_reduit.jpg
Depuis quelques années, les marchés à terme ont été massivement instrumentalisés par des spéculateurs et opérateurs financiers qui n’ont aucun intérêt à couvrir et sécuriser les prix des produits agricoles. Au contraire, ils jouent sur la volatilité de ces prix inhérente aux marchés agricoles, qu’ils amplifient et manipulent au gré de leurs stratégies financières. Le contrôle de la spéculation sur les produits alimentaires passe par des mesures à prendre qui doivent permettre de connaître les montants des transactions, de savoir par qui elles sont opérées et pour quelles raisons (spéculation ou couverture de risques des marchés physiques). Ces mesures doivent permettre aux régulateurs, aux pouvoirs publics et aux parlementaires, aux opérateurs, aux chercheurs et académiques ainsi qu’à la société civile d’évaluer les risques de spéculation excessive, de mesurer l’impact des transactions des marchés dérivés sur les prix des marchés physiques et de prendre les mesures de régulation adéquate. Le travail de plusieurs ONGs a permis ainsi de faire évoluer la politique de la BNP dans ce domaine en septembre 2015.