Le 7 février 2011, VODO (Vlaams overleg duurzame ontwikkeling) et Associations 21 se sont associés pour accueillir Nadine Gouzée, de la délégation belge aux travaux préparatoires à la Conférence sur le Développement durable de 2012 (Rio+20) et Leida Rijnhoutde l’Anped (Northern Alliance for Sustainability).

1ère intervenante: Nadine Gouzée

Représentant la délégation belge aux travaux préparatoires à la Conférence sur le Développement durable de 2012, Nadine Gouzée était à Rio en 1992 et a suivi ce sujet pendant 20 ans. Ce faisant, dit-elle, on éprouve ses capacités à être optimiste car les mentalités changent pendant tout ce temps, et le défi reste difficile à relever. Il y a quand même eu une évolution, d’où l’intérêt de travailler dans le long terme : on voit les choses bouger petit à petit, même si ce n’est pas satisfaisant.

Un petit regard en arrière sur les textes de 1992 :

 Les 40 chapitres de l’Agenda 21 et les 27 principes de la déclaration de Rio: quand on la relit maintenant, on voit à quel point elle était ambitieuse, innovante. L’atmosphère était euphorique, on allait changer le monde, il y avait de l’argent disponible pour cela…
Ainsi, on voulait une convention sur les forêts tout de suite… Elle n’est tjrs pas aboutie !

 Convention cadre sur les changements climatiques : en 1992 à Rio, le problème était que Bush (père) était très opposé à cette convention. C’est pourquoi la négociation sur le climat a été pratiquement reportée au Protocole de Kyoto, déc. 1997. Après ça, le sujet climat a pris bcp plus de place que les autres (notamment en termes financiers).

 Convention sur la diversité biologique : à Nagoya en 2010, on a discuté d’un plan d’action pour mettre en œuvre cette convention. On avait alors l’expérience des négociations sur le climat. Mais là aussi, on a eu l’impression que ça ne progressait pas.

 Convention sur la lutte contre la désertification : adoptée à Paris en 1994, celle-là était une vraie convention.
Le principe de précaution était incontournable dans toutes ces conventions. En attendant d’avoir toutes les connaissances nécessaires sur les conséquences de ce qu’on percevait déjà à l’époque, c’était primordial pour faire adopter de telles mesures.

Les 9 groupes majeurs :

Ici on parle de la société civile : autorités locales, business & industrie, travailleurs & syndicats, enfants et jeunes, communauté scientifique, femmes, peuples indigères, associations (ONG) et paysans.

La Déclaration de Rio se référait à la définition du rapport Bruntland:

  1. équité intra et intergénérationelle
  2. participation des personnes concernées et de la société civile
  3. intégration des piliers environnementaux, sociaux et économiques : le défi le plus difficile – à cette époque, quand on créait de l’emploi, typiquement ça creusait la dette, ce qui n’était pas tenable à long terme (d’où la nécessité d’intégrer le social et l’économique). Même pour les groupes majeurs, ça reste un challenge.
  4. CBDR: responsabilité commune mais différentiée. Maintenant avec les pays émergeant, cette question est remise en débat.

Les niveaux de gouvernance combinent :

  1. la dimension géographique –> du local au global, Belgique / Monde…
  2. les interlocuteurs –> Société civile / gouvernements
    Là aussi il s’agit d’intégrer et de coordonner les politiques.

Etape de Johannesburg en 2002 (Rio + 10) :

D’abord le thème était l’éradication de la pauvreté. L’Allemagne a alors plaidé pour revenir au principe de l’intégration des 3 piliers –> changement des modes de consommation et de production. C’était une manière de renouveler le chapitre 4 de l’Agenda 21. Ceci est aussi ambitieux que le protocole de Kyoto bien qu’il soit plus difficile de mesurer les impacts.

A Rio, Bush père avait dit « notre position n’est pas négociable ». A Jo’Burg, les USA bloquaient toujours. Un compromis sans les USA a été envisagé, du coup, là, c’était l’Iran qui n’était plus d’accord !

Pour illustrer la difficulté de dialogue entre pays développés et les PVD, comparaison de la consommation d’énergie per capita en 1950 pour les pays développés et les pays en développement : en 2001, on pouvait déjà constater que tout le monde avait consommé plus mais les pays développés avaient encore doublé leur consommation !

La consommation de viande illustre encore mieux cet écart –> il faut vraiment changer les modes de consommation et de production non durables; promouvoir les durables ne suffit pas.

Débat idéologique mais aussi sur les mots, ex débat sur la régulation de l’économie : il faut pouvoir dire aux USA qu’eux aussi font de la régulation, ex. en matière de tabac, on ne peut même plus fumer dans la rue ! Donc, négocier c’est aussi trouver les bons exemples pour faire avancer le débat.

Structures institutionnelles :

 Commission Sustainable Development (CSD) : division développement durable du département des Nations Unies chargé des affaires économiques et sociale. On clôture à présent la CSD 18 (18ème année). La CSD 19 (2 – 13 May 2011 à N.Y.) sera le watchdog de Rio (20-1). Des décisions politiques devront être prises sur des mesures pratiques en matière de transports, produits chimiques, déchets & extraction minière. Ceci dans le cadre du 10YFP = 10 years framework on sustainable consumption & production programmes. Entre la CSD 18 et la CSD 19, il y a eu une inter-cession à Panama où il faut surtout question des modes de production et de consommation durables.

 HPGS : High-level Panel on Global Sustainability: plus ou moins Bruntland + 25. Ce rapport attendu sous peu promet d’être ambitieux mais ce n’est pas un processus intergouvernemental. Il présentera :

  1. les nouveaux paradigmes du développement : comment parvenir à une économie pauvre en carbone, construire des systèmes économiques résilients surtout pour les plus vulnérables, éradiquer la pauvreté, atteindre des modes de consommation et de production durables
  2. les mécanismes pour mettre en œuvre ces paradigmes, e.a. Les ajustements nécessaires de l’architecture institutionnelle et le financement aux différents niveaux de pouvoir.
  3. Une compilation de données et références sur ces points (ex rapport Stiglitz).
  4. Une attention particulière sera accordée au climat dans ses différentes dimensions (sociale, économique, environnementale) et à une nouvelle vision du DD incluant l’alimentation, l’eau, la sécurité énergétique et la réduction de la pauvreté.

 UNCSD2012 : United Nations Conference on Sustainable Development 2012.
Cette conférence est préparée lors de prepcoms, celle de déc 2011 sera importante pour l’organisation entre ONG.

Quand commence vraiment le processus de négociation ? Les PVD le souhaitent le plus rapidement possible. Les pays industrialisés temporisent vu l’impréparation générale. Il vaudrait mieux attendre après décembre 2011. Mais entre janvier et mai 2012, il y aura peu de temps : il s’agirait dans ce cas de lancer un nouveau processus et non d’adopter des textes préparés à l’avance.

Thèmes de l’UNCSD : ils ont été durs à négocier, dans le contexte de la triple crise FFF (food, fuel & finance). A la prepcom1 (mai 2010), les points de vue étaient fort divergents.

  1. Economie verte: PVD’s craignent que ce soit un prétexte pour le protectionnisme. Cf. Titre de la brochure de VODO : ecologische economie : luxe of noodzaak ? L’économie verte n’intègre pas encore, loin s’en faut, les différentes dimensions du DD.
  2. Gouvernance DD : de quel type d’organisation avons-nous besoin pour le DD?

 Questionnaire envoyé par l’UNCSD2012 : le rapport reprenant les réponses est intéressant à lire, il n’est pas très optimiste bien qu’un certain progrès y est reconnu. Mais beaucoup n’ont pas eu le temps de répondre, e.a. dans les PVD.

Conclusion

A Rio on était très optimistes. A Jo’Burg (juste après 2001), l’ambiance était plus sombre; on y a surtout promu l’idée de partenariat et l’implication des parties prenantes. Il y avait là beaucoup de business men, de syndicalistes… Bref un haut niveau de participation, et rien n’en est sorti. Maintenant, il s’agit de parvenir à nouveau à un résultat, sur base d’une nouvelle mobilisation.

Sources d’information :

 Documents officiels Rio + 20 (dont plusieurs traduits en français)

 Newsletter « RIO 2012: Making it Happen », du 28/02/2011

 Business Action for SD = World Business Council for -Sustainable Development (WBCSD) + ICC + Global Compact –> on peut en penser ce qu’on veut, on a quand même besoin du monde des entreprises pour débattre de ces questions.

2ème intervention: Leida Rijnhout

Coordinatrice de l’Anped, Leida Rijnhout représente un réseau d’ONG de l’UNECE. L’UNECE est une des 5 commissions régionales des Nations Unies. Cette zone couvre l’Asie centrale, la Russie, l’Europe de l’est et de l’ouest , l’Amérique du Nord et les pays de l’annexe 1 + d’autres pays qui ne sont pas des PVDs. Anped = Northern Alliance for Sustainability.

L’Anped assure le secrétariat du groupe SDIN (Sustainable development issues network), pour le groupe majeur « ONG ». Ses partenaires sont Consumers International & ISS pour l’Afrique Le Groupe SDIN facilite l’apport des associations aux travaux de l’UNEP et de la CSD, et la concertation entre ces associations, via des conférences téléphoniques mensuelles, la rédaction de statements lors des prepcoms, etc.

Une remarque sur le questionnaire des Nations Unies : pour Anped c’était impossible de réunir un consensus sur les questions de ce long questionnaire dans le délai imparti, très court. Parfois, l’ONU demande beaucoup aux gouvernements mais aussi aux parties prenantes qui ne sont pas nécessairement payées pour le travail demandé.

Concernant les thèmes de Rio 2012, les ONG déplorent la grande confusion régnant sur le terme « green economy ». Ce concept est moins équilibré que le DD et suscite leur scepticisme, voire un franc rejet de certaines ONG dans certaines régions du Sud. Idem pour certains gouvernements du Sud qui y voient une nouvelle barrière commerciale. Le mot « vert » les hérisse déjà !

Le thème élargi « Green Economy in the context of SD & poverty eradication » passe déjà mieux. Certaines ONG entendent promouvoir l’économie verte. Mais là on verdurise le système libéral –> pour d’autres ONGs, ce n’est pas encore clair, l’intitulé du sujet est en lui-même un compromis –> danger de régression par rapport aux acquis du DD. Ces ONG là veulent des changements fondamentaux. De même pour certains gouvernements, pour lesquels la nature n’est pas à vendre. On voit là des conceptions différentes entre une durabilité faible et une durabilité forte. Cette dernière entend aller au delà de l’approche courante de l’efficacité écologique et insiste sur le besoin d’un changement de paradigme dans la pensée et dans la pratique.
Ce qui a changé depuis 20 ans de négociations : les pays du Sud sont montés en puissance. Donc, cette voix dissidente de certains États, commence à se faire entendre.

Au niveau de l’OCDE, la stratégie reste la croissance verte. Mais on sait que le vert n’est pas toujours si vert !

L’équité, les droits humains, tout ce qui était déjà inclu dans DD, doivent rester des priorités.
Bref, à la veille de Rio + 20, on voit le fossé se creuser entre les ONG multinationales et les plus radicales qui veulent un changement de paradigme. Selon ces dernières, c’est le système tel qu’il fonctionne actuellement qui conduit à tous ces abus.
Si on veut être partie prenante du mouvement on doit être au fait de ce débat et faire un choix.

Le positionnement des groupes majeurs :

 Le Stakeholder forum réunit les 9 groupes majeurs. Il est coordonnné par Felix Dodds et basé à Londres. Ils ne fournissent par d’apport sur le contenu. Leur but principal est d’informer les 9 groupes majeurs sur les problèmes et de rassembler les différentes activités.

 Le monde du business est très actif. Là aussi on voit deux tendances : certains comprennent très bien la démarche du DD. Ils reconnaissent les limites de la terre, etc. De l’autre côté, on promeut les agrocarburants, le soja responsable et toutes ces formules contestables du point de vue DD. A Rio 2012, on va aussi retrouver cette dualité.

 Syndicats : ils ont un rôle important à jouer; création de jobs verts, OK mais pendant qu’on fait ça, on ne travaille pas assez à décroître les jobs polluants. L’idée de transition reste théorique.

 Farmers: là aussi on a deux tendances. On retrouve cette polarisation un peu partout.

 Jeunes: insistent surtout sur la participation.
Pas de commentaire particulier sur les académiques, les peuples indigènes et les autorités locales.

 Femmes: ce qui a changé : il existe à présent l’ONU Femmes.

Comment participer :

 Critères pour représenter la société civile : il faut être accrédité.

 En Belgique, la coordination de la représentation internationale passe par le coormulti (réunions des différents niveaux de pouvoir et des parties prenantes). -Les associations belges sont représentées par les ONG d’environnement et de développement siégeant au CFDD. Les accréditations pour les sommets internationaux sont délivrées par les Nations Unies.

 Il n’est pas trop tard pour sauter dans le train mais il faut s’emparer des textes en circulation et se positionner pour tenter d’influencer encore les conclusions.

 Les ONG qui participent à l’Anped sont des « happy few », ex. 10 associations contactées sur 300 pour le document « mining », ont répondu. Mais toute association intéressée peut demander à recevoir les informations sur Rio+20 (Pour s’inscrire à l’Anped, contacter Leida(a)anped.org).
Le défi pour l’Anped dans ce travail de facilitation : dans les associations il y a de tout, des opinions très différentes, ce n’est pas très coordonné.

Eléments de débat :

 On a besoin de nouveaux indicateurs.

 Les états sont plus faibles qu’en 1992 –> Défendre la déclaration de Rio reste un défi majeur : les principes de base restent importants. Ex. avec l’extraction minière : les textes actuellement sur la table ne vont pas très loin.

 Dans d’autres domaines, il existe beaucoup de documents qui ne sont pas du tout appliqués. Jusqu’à quel point la volonté politique existe-t-elle pour faire quelque chose de tout ce travail ? Comment faire aboutir les choses tout au bout du pipe-line ? De l’autre côté il y a des groupes de pression qui demandent plus de cohérence. Ils peuvent poser ces questions aux responsables politiques. -Il y a toujours un fossé entre les engagements et les mises en oeuvre. C’est un travail de longue haleine, il ne faut jamais renoncer.

Discussion

 Jean-Pierre De Leener (11.11.11) : concernant les résultats attendus de Rio + 20, où pouvons-nous faire la différence ? Va-t-on simplement réentériner les engagements pris il y a 20 ans ?

 Leida Rijnhout : oui, on veut plus d’engagements, ex avec l’économie verte : il faut arrêter de conduire toute l’économie vers un système insoutenable. L’Anped plaide pour :

  1. une transition juste et équitable
  2. la justice climatique

Concernant l’utilisation des ressources : une « resource capped economy » –> faire avec ce qu’on a et non avec ce qu’on veut.

L’UE a maintenant le resource efficiency flagship mais nous devons viser la suffisance plutôt que l’efficience (sufficiency v/s efficiency).

 Nadine Gouzée : cf. Titre de la brochure de VODO, l’économie verte n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour éradiquer la pauvreté. Or 90 % des gens la voient toujours comme un luxe. Rappelons la définition du DD qui est de répondre aux besoins fondamentaux.

 Marie Cors : sur le nouveau paradigme, oui, il y a du boulot, mais on n’a plus le temps ni les moyens de le faire. Augmenter la richesse comme on a fait pendant 20 ans depuis Rio, ça ne permet pas d’éradiquer la pauvreté. De plus les prévisionnistes disent qu’il ne faut plus escompter des croissances de plus d’un demi ou 1%.

 Brigitte Gloire : en effet, au niveau international, il faut oser le débat sur la croissance, en tant compte qu’à ce titre,la situation des PVD est différente de celle des pays industrialisés.

 Antoinette Brouyaux : quid de la dimension culturelle du DD ?

 Brigitte Gloire : dans l’enceinte onusienne, le problème est toujours le relativisme culturel / l’exception culturelle (ex. Iran). Il reste d’autres combats à mener, ex. la convention d’Aarhus n’est pas valable en Afrique, en Amérique du Sud… Elle l’est seulement dans les pays de l’UNECE.

Conclusion : au CFDD, on doit pousser à un 2ème avis, plus sur le fond.

Pour info, liens vers des réseaux associatifs francophones :

 Collectif français Rio+20 : suivi des prepcoms, échange de documents de positionnement, etc.

 Forum pour une nouvelle gouvernance mondiale : les animateurs de ce forum proche de la Fondation Charles Léopold «Mayer pour le Progrès de l’Homme, Arnaud Blin & Gustavo Marin, ont publié En route vers Rio+20. Propositions pour un projet citoyen.