Du 5 au 7 septembre dernier se déroulait le Salon Valériane à Namur avec à l’honneur cette année le thème de « L’écobioconstruction ». Nous avons assisté à une table ronde sur la question de l’accès à un habitat sain pour tous en compagnie de Luc Lefèbvre (Luttes Solidarités Travail), d’Anne-Sophie Estievenart (Relogeas) et de Marc Berghen (Foyer Jambois, société coopérative de logements sociaux).


L’article 23 de la Constitution belge garantit le droit de tous à un logement décent. Rien n’est toutefois mentionné quant au sens du mot décent. Entend-on par là un habitat sain, répondant aux normes de salubrité (ventilation, surface au sol par habitant, luminosité,…) ? Ou cela implique-t-il de garantir à tous un accès à un habitat durable, c’est-à-dire écologique, non précaire et garantissant une certaine qualité de vie ? Autour de cette question de définition, on retrouve également un enjeu d’accessibilité : comment garantir à tous un tel logement ?

1. Les inégalités sociales au cœur du débat

pierre-bondel_bruyn_3.jpgIl n’aura fallu attendre que deux questions pendant l’échange avant d’entendre « Augmente-t-on les loyers des logements sociaux en cas de rénovations ? Et si c’est le cas, se retrouve-t-on avec différents niveaux de logements : des habitats anciens peu chers et des habitats sains et rénovés plus chers ? ». La réponse ne tarde pas : en cas de rénovation, les charges locatives baissent vu la diminution de la consommation énergétique et un équilibrage du loyer est prévu. Les mécanismes de performances énergétiques des bâtiments ont le même effet : en cas de labellisation d’un bâtiment, le loyer augmente et exclut dès lors toute une frange de la population qui ne pourra accéder à ce type de logement. Se diriger vers un modèle dans lequel les plus favorisés auront accès à un logement sain alors que les plus fragilisés devront se contenter de bâtiments non rénovés ne semble pas s’inscrire dans un cheminement vers un habitat durable pour tous. Au-delà de la question de la rénovation, il est donc crucial de remettre également au cœur du débat la question des inégalités sociales.

2. Une population enfermée dans un rôle

Il est aussi ressorti de ce débat une certaine stigmatisation des plus précarisés. « Si on veut aller vers du logement basse énergie ou passif, les pouvoirs publics ne sont pas motivés car cela exige de la part du locataire une série de réflexes » ou encore « La priorité pour eux, c’est plutôt la taille de l’écran plat ou le siège en cuir dans la voiture, pas leur logement ». Ce genre de phrases, malheureusement trop répandues, a pour effet de lier la question de la compétence à celle de la précarisation. Mais les plus précarisés sont-ils vraiment incapables de gérer un logement passif ou basse énergie ? Contre-exemple rapide : nous avons eu l’occasion de rencontrer les AmbaPa’s, habitants de l’Espoir , un habitat groupé de Molenbeek. Le bâtiment, passif, est la concrétisation d’un projet porté durant des années par un groupe de familles immigrées qui avaient des problèmes d’accès au logement. Depuis, les « AmbaPa’s »: ces ambassadeurs du passif se réunissent mensuellement et aident volontairement les locataires de nouveaux logements sociaux passifs de la commune, à apprivoiser leur habitat.
Il est évident que toute rénovation d’un habitat vers le passif ou le basse énergie nécessite un accompagnement des locataires afin d’acquérir les bons réflexes, mais cet accompagnement est nécessaire pour tous, riche ou pauvre, et est bien plus lié à un manque de connaissances sur les questions énergétiques qu’à une appartenance à une classe sociale. Maintenir les plus précarisés dans ce rôle d’incompétents et les déresponsabiliser par rapport à leur habitat n’aura pour effet que de leur faire croire qu’ils correspondent à ce cliché.

3. Soyons créatifs

habitatgroupe.jpgL’ensemble du débat a donc principalement tourné autour des questions de rénovations par les locataires ou de la manière de rendre accessibles les logements sains aux plus précarisés. Mais qu’en est-il de la question d’élargir le champ des possibles en termes de logements en Belgique ? A quand un statut de collocataire reconnu en droit belge ? A quand des systèmes pour favoriser l’autoconstruction ? A quand plus de flexibilité quant aux types de logement reconnu ? Sortons de la dualité locataire-propriétaire afin de permettre à chacun de s’approprier son logement et par là même donner envie de le transformer en habitat durable. Des pistes existent : Agences Immobilières sociales, habitats collectivisés sous forme de coopératives, Community Land Trusts (CLT), habitats groupés classiques, formes de logements alternatifs (les maisons en paille-bois par exemple), formation à l’autoconstruction,…Il est temps de remettre sur le métier le plaidoyer d’Associations 21 pour l’accès pour tous à un habitat durable !

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter la rubrique «Logement » de Luttes Solidarités Travail