A l’initiative d’une large coalition d’organisations belges et européennes, les journées d’action autour du thème des semences ont permis d’alerter l’opinion publique et les parlementaires européens sur les dangers d’une législation faisant la part trop belle aux multinationales qui veulent accaparer ce précieux patrimoine de l’humanité.


Dans le cadre de la plate-forme de soutien à l’agriculture paysanne, Associations 21 a contribué à l’accueil des membres du Forum Civique Européen et autres participants aux journées d’action « semences », en se chargeant plus particulièrement des contacts presse en Belgique et de l’organisation d’une conférence de presse le vendredi 15 avril à Mundo-B. La coordination de ces journées a été principalement assurée par Sébastien Kennes de Rencontre des Continents et Laurence Van Bellle du Début des Haricots, sans oublier l’instigateur de cette opération, Juergen Holzapfel du Forum Civique Européen. Nous saluons ici leur dynamisme.

Xavier Delwarte de la FUGEA s’est plongé dans la législation européenne, les règlements UPOV et les traités internationaux (Nagoya) sur les semences, et a décrypté pour nous les aspects techniques du dossier. En effet, le plan d’action de la Commission Européenne pour la révision de la législation commune sur les commerce des semences et le matériel végétal reproductible, prétend viser la simplification et la sécurité sanitaire. En réalité il entend formater les procédures selon les désidératas de l’industrie, au détriment de l’autonomie des agriculteurs, des variétés paysannes adaptables et riches en diversité biologique.
Un blé n'est pas l'autre

Ainsi, pour introduire des semences dans le catalogue officiel, il faudrait non seulement débourser des sommes importantes (6000€ par variété locale !) mais également réussir des épreuves de DHS (distinction, homogénéité, stabilité) et de VAT (valeur agronomique technique pour les céréales).

Ces exigences du secteur industriel, parfois intéressantes comme le pouvoir germinatif, vont aussi à l’encontre de la nécessaire adaptation des variétés aux changements climatiques et aux particularités des territoires (pédo-climatiques). La volonté des multinationales a pour effet d’appauvrir encore la diversité des espèces cultivées et donc notre alimentation.

A cela s’ajoute une fameuse pierre d’achoppement: les réglementations en matière de propriété intellectuelle (brevets sur l’invention voire sur la variété comme aux USA), contraires aux décisions prises à Nagoya en octobre 2010 et qui devront être appliquées en 2012.
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Récemment, un hoax relatif aux plantes médicinales a jeté le trouble dans l’opinion publique, sur les critiques à formuler vis-à-vis du législateur européen. Dans ce contexte, il était d’autant plus important d’expliciter la teneur de l’appel lancé par le Forum Civique Européen pour ces journées d’action sur les semences, en permettant à tous de mieux comprendre l’enjeu de cette évolution sournoise de la législation européenne. Si l’on n’y prend garde, elle pourrait avoir pour effet, in fine, l’appropriation par quelques multinationales des gènes du bien commun de l’Humanité que sont nos semences ! Déjà, ces multinationales détiennent 67 % du marché des semences en Europe, où la biodiversité s’est réduite de 70 % en quelques décennies, selon le Forum Civique Européen..

C’est toujours délicat de jouer le rôle du tireur d’alarme. Lorsque celui-ci rend publiques les dérives du pouvoir politique ou économique, la pression populaire pousse les politiques à rectifier le tir. C’est ce qui a permis de maintenir en Europe un relatif barrage contre la marée des OGM, qui a déjà produit ses effets contaminants dans les cultures américaines. Le barrage n’est pas étanche et rien n’est jamais acquis, on y reviendra. En tout cas, dès lors qu’un danger est écarté, il est commode par la suite de reprocher au prophète de mauvaise augure, d’avoir exagéré ce danger. Si celui-ci se tait, une fois la catastrophe survenue, on lui reprochera de ne pas avoir tiré la sonnette d’alarme… Voilà encore une belle matière à réflexion pour la société civile et en particulier les organisations paysannes amenées à jouer un rôle de chiens de garde.

Reste à présent à engranger les informations collectées durant ces journées, pour constituer un dossier bien étayé disponible en ligne et alimenter les plaidoyers des uns et des autres…

Un petit aperçu de ces journées d’action

 
Ce lundi 18 avril à 15h, un anti-lobby tour était organisé dans le cadre des journées d’action « semences ». Cet événement rassemblant 400 personnes, s’est ainsi transformé en véritable manifestation. Martin Pigeon du Corporate Europe Observatory a expliqué le rôle de l’European Seed Association et celui de Bayer dans le lobbying des semenciers tentant d’influencer la législation européenne au profit de l’agro-business, et au détriment de l’autonomie paysanne. C’est devant le siège de Bayer, responsable de la dissémination dans les champs de produits nuisibles pour les abeilles, que furent transmises les pétitions réunissant 58.726 signatures à deux parlementaires européens: Marc Tabarella, président de la Commission Agriculture et Isabelle Durant, vice-présidente. Après une dernière station devant la DG Recherche, la manifestation a abouti Place du Luxembourg, où des comédiens du collectif Artivist se sont livrés à une performance haute en couleurs.

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Najeha Abid, du premier jardin collectif international créé à Göttingen en 1995. On en compte à présent 120 en Allemagne ! Des familles de diverses origines y cultivent légumes et fleurs de leur terre natale.

La veille de cette manifestation, le dimanche 17 avril, nous étions également plusieurs représentants d’Associations 21 et de ses membres à la bourse d’échange des semences, à la Maison des Cultures de Molenbeek. Les débats y furent de très haute teneur. On retiendra en particulier la présentation par Shalini Bhutani, experte indienne indépendante, de l’évolution de la législation indienne en matière de semences, et de l’influence de l’Europe dans ce processus ayant pour effet de marginaliser voire d’exclure les paysans Indiens autonomes, du marché des semences. Abdullah Aysu, de la Fédération de Syndicats Paysans Ciftçi-Sen, membre de la Coordination Européenne Via Campesina- depuis février 2011, et les militants de l’association « Tohum Izi Denergi » (Traces des Semences) ont quant à eux expliqué comment l’Allemagne pilotait actuellement l’évolution de la législation turque dans cette matière. Les craintes des organisations paysannes ne concernent donc pas seulement le devenir de l’agriculture paysanne européenne, mais également la survie même de nombreux paysans du Sud.

Au total, la presse a bien relayé ces journées d’action :

  1. Indymedia BXL
  2. JT RTBF 18/04
  3. JT RTL 18/04
  4. Matin première 18/04
  5. Le soir 16/04
  6. La Libre 19/04
  7. DH 18/04
  8. L’AVENIR 18/04
  9. LE VIF 18/04
  10. AFP 18/04
  11. Site RTBF
  12. ZDF Allemagne 18/04
  13. RTBF émission Nuwa 16/4
  14. Canal Z le 15/4

Quelques images de la bourse d’échange des semences du 17 avril

Le jardin international collectif de Göttingen a été créé en 1995. On en compte à présent 120 en Allemagne! Traces de semences… anatoliennes!

Marc Van Overschelde de la Ferme du Hayon (Gaume), et ses comparses
Marc Van Overschelde de la ferme du Hayon (Gaume), et ses comparses

Le jardin collectif de Tour & Taxis est venu échanger ses semences