Le 23 octobre 2014, nous étions à la journée de rencontres et d’échanges sur l’alimentation durable pour tenter de répondre à cette question que tout le monde se pose: “Comment favoriser son accès au public fragilisé?”.

Cette journée était organisée à l’Université du Travail de Charleroi, par le RAWAD (Réseau des acteurs wallons pour une alimentation durable).


La question de l’accessibilité de l’alimentation durable intéresse. Pour preuve, nous étions 250 à être rassemblés pour écouter les trois orateurs de la matinée et 150 à participer aux cinq ateliers organisés l’après-midi.

Regards croisés sur l’alimentation durable

La matinée était donc consacrée à trois interventions extérieures et complémentaires: celles d’Olivier de Schutter, ex-Rapporteur spécial pour le Droit à l’alimentation auprès des Nations Unies, de Jean-Pierre Poulain, Professeur de Sociologie de l’alimentation et d’Arnaud Pêtre, Directeur de Brain Impact.

Que retenir de ces différentes interventions?

Notre système alimentaire actuel “low cost” est principalement dû à la révolution agricole post deuxième guerre mondiale ayant pour objectif de fournir des calories à bas prix pour tous. Actuellement, les populations défavorisées sont plus exposées à de mauvais régimes alimentaires, et ce pour cinq raisons:

  • Géographie de la pauvreté : les ménages pauvres habitent dans des zones où l’offre alimentaire est incomplète, ce qui limite leur choix
  • Pauvreté du temps : les plus précaires ont moins de temps pour choisir leurs aliments, cuisiner, manger,…
  • Impact du marketing : la publicité encourage la malbouffe et il n’existe pas encore de phénomène de “branding” similaire pour les aliments sains
  • Impact des inégalités : les sociétés les plus inégales sont les sociétés les moins performantes en termes de bien-être et avec des taux d’obésité plus importants
  • Normes sociales : les normes sociales des communautés défavorisées n’encouragent pas les personnes à s’orienter vers des comportements plus sains

Il est donc crucial pour changer les comportements alimentaires de ne pas travailler uniquement sur les choix individuels mais également sur l’environnement des communautés défavorisées.

Au-delà de cet aspect inégalitaire, les changements de comportements alimentaires passent par la communication qui est faite autour de l’alimentation durable.
Les neuropsychologues nous apprennent que les décisions humaines sont prises en fonction des émotions, et non pas tellement en fonction d’une certaine rationalité ou d’arguments. Les boîtes de communication des grandes multinationales le savent et en jouent: la plupart des publicités jouent sur les émotions inconscientes pour impacter le cerveau humain et en modifier les habitudes d’achat.

Ne faudrait-il pas adopter ces techniques pour être plus efficaces et initier de réels changements de comportement plutôt que de constamment jouer sur l’argumentaire pour promouvoir l’alimentation durable? La question est ouverte.

Les groupements d’achats alimentaires comme piste d’outil?

L’atelier auquel nous avons participé l’après-midi avait pour titre “Groupement d’achats alimentaires (GAC, GASAP, AMAP…): outil adapté pour les publics fragilisés? Si oui, comment?”. Nous étions une vingtaine à tenter de répondre à cette question et avons pu échanger autour d’expériences intéressantes.
On peut citer par exemple le cas du GAC initié par le Centre Social Protestant à destination des ménages à faible revenu ou encore l’idée de fonctionner sur base de prix relatifs et non absolus (un groupe sait de combien le producteur a besoin pour vivre; chacun écrit anonymement la somme qu’il est prêt à donner; si la somme demandée par le producteur n’est pas atteinte, on refait un tour).

Les difficultés restent nombreuses: barrières socio-culturelles bien plus importantes que les socio-économiques, difficulté de mettre en avant le lien social existant dans le cadre de ces initiatives, identité culturelle commune des GAA pas forcément accessible à tous…Mais les pistes existent!

Des pistes de solution qui se dessinent

Cette journée n’a certainement pas pu permettre de répondre à la question “comment favoriser l’accès à l’alimentation durable pour un public fragilisé?” (on peut d’ailleurs peut-être regretter l’absence de producteurs et de publics défavorisés) mais l’engouement pour cette thématique et la diversité des pistes proposées tout au long des échanges est un indicateur clair que la société civile est sur la bonne voie pour y arriver.