Avis d’initiative à l’attention du Ministre-Président Rudy Demotte et du Ministre du Développement Durable Jean-Marc Nollet sur l’avant-projet de décret relatif à la stratégie régionale de développement durable.


Messieurs les Ministres,

Associations 21 a pris connaissance de l’avant-projet de décret relatif à la stratégie régionale de développement durable et souhaite formuler quelques remarques sur ce texte.

1. La fonction du décret

Tout d’abord, nous suggérons que l’article 1er soit complété par une brève explication sur la fonction de ce décret. Sans quoi, le lecteur non averti ne comprend pas tout de suite que ce décret n’est pas la stratégie elle-même mais le cadre légal pour les différentes stratégies qui seront adoptées par les gouvernements wallons successifs à l’avenir.

Dans le même souci d’accessibilité des textes légaux qui s’adressent in fine aux citoyens wallons, il serait peut-être utile de préciser aussi dans l’article 3 pourquoi le Gouvernement approuve d’abord une stratégie régionale avant de la transmettre au Parlement. Celui-ci a-t-il la possibilité de s’exprimer sur le projet de stratégie, comme c’est le cas, stipulé dans l’article 4, pour les conseils d’avis? Telle est la question qui se pose à la lecture de ces deux articles.

2. Définitions

2.1. La définition du Développement durable

L’article 2, paragraphe 1 propose une définition du développement durable directement inspirée de celle du Rapport Brundtland, introduction, paragraphe 3. Cependant, nous pointons dans ce même paragraphe du Rapport Brundtland un passage qui ne figure pas dans la définition de l’avant-projet de décret: “la Commission estime que la pauvreté généralisée n’est pas une fatalité. Or, la misère est un mal en soi, et le développement durable signifie la satisfaction des besoins élémentaires de tous et, pour chacun, la possibilité d’aspirer à une vie meilleure. Un monde qui permet la pauvreté endémique sera toujours sujet aux catastrophes écologiques et autres”.

Selon le Plan Fédéral de Lutte contre la pauvreté 2012, 20 % de la population belge est en risque de pauvreté. Ajoutons que ce 27 septembre 2012, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a adopté les Principes Directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme, premier instrument juridique international pour combattre la misère, suite à un travail entamé dès 1982 par le mouvement ATD Quart Monde. Nous trouvons donc important que la lutte contre la pauvreté apparaisse clairement dans ce décret cadre de la SRDD.

2.2. Alliances emploi-environnement

A l’article 2 paragraphe 8, pour la définition de l’Alliance emploi environnement: « une politique élaborée et mise en oeuvre de façon participative… », nous proposons pour la suite de cette phrase, au lieu de « reposant sur le principe de faire de l’amélioration de la qualité de l’environnement et de sa préservation une source d’opportunités économiques et de création d’emplois », « reposant sur le principe de faire de l’amélioration de la qualité de l’environnement et de sa préservation une opportunité de relocaliser l’économie, ce qui présente des avantages tant sociaux (création d’emplois) qu’économiques et environnementaux ».

Pour le reste, on ne répétera pas ici ce qui figure dans l’avis du Conseil Wallon de l’Environnement pour le Développement Durable.

Les membres d’Associations 21 apprécient particulièrement dans ce projet d’avis du CWEDD tout ce qui concerne la participation (point 2.5, un volet participatif à garantir; point 3.3, commentaires; point 3.6, nouvel article à insérer avant l’article 4). Sur ces points, nous tenons à exprimer des souhaits qui nous tiennent à cœur:

3. La composition des conseils d’avis en Région Wallonne

Selon l’article 2 de l’avant-projet de décret, paragraphe 4, la notion de « parties prenantes » inclut notamment le secteur associatif dans son ensemble, les jeunes, les universités et hautes écoles et les citoyens. Au paragraphe 5, on entend par « société civile » les parties prenantes intéressées à la transition et ne ressortant pas de la sphère publique.

A ce sujet, le 19 juin 2012, Le Soir publiait la carte blanche signée par nombre de nos organisations membres et intitulée: « Rio+20 : le temps d’un nouveau pacte social est venu ».

Nous référant aux plans des différents niveaux de pouvoir en matière de développement durable (dont la SRDD), nous affirmions alors que « pour réussir, ces plans devront s’appuyer sur l’ensemble des forces vives au centre desquelles, dans l’esprit des engagements initiaux de Rio, la société civile. Il nous paraît à cet égard essentiel de mieux prendre en compte les contributions des secteurs associatif et académique qui, depuis de nombreuses années, ont mené des réflexions sur le sujet et soutenu les expériences concrètes d’une myriade de citoyennes et de citoyens actifs au quotidien. Une meilleure intégration des organisations qui les représentent, dans des mécanismes consultatifs renouvelés, permettrait d’optimiser la mobilisation pour faire face aux défis gigantesques qui sont aujourd’hui devant nous. Le nouveau pacte sociétal qui doit conduire nos sociétés à une véritable préservation de la biosphère, à davantage de justice sociale et à une économie au service de l’homme ne pourra advenir qu’en renouant avec l’audace du pacte social qui a permis d’asseoir la prospérité de nos économies après la Seconde Guerre mondiale ».

Nous proposons donc que dans le CWEDD, aux côtés des ONG qui y siègent déjà (comme les ONG d’environnement), Associations 21 puisse jouer un rôle de plate-forme en représentant d’autres secteurs dans lesquels les associations sont actives. Selon le sujet abordé, l’un ou l’autre expert d’une association membre de la plate-forme pourrait y être délégué. Idem pour le Conseil économique et social wallon dans lequel il n’y a pas d’associations actuellement. Le CWEDD lui-même est à la fois un organe d’avis tant sur les matières strictement environnementales que sur les politiques de développement durable, ce qui tend à conforter le cliché selon lequel, « le développement durable, c’est l’environnement ». D’où l’importance pour le secteur associatif d’être représenté dans les deux comités d’avis.

Un des rares acquis de Rio+20 est justement la meilleure prise en compte du pilier social du développement durable. C’était une priorité des négociateurs Belges, parmi lesquels des représentants de la Région Wallonne. La participation est également un principe directeur rappelé à Rio en 2012 et auquel l’avant-projet de décret se réfère.

En conséquence, ce décret-cadre devrait prévoir que la première stratégie régionale de développement durable organise la réflexion sur la représentation, dans les organes de la fonction consultative, de la société civile.

4. Autres formes de participation

Bien entendu, la participation ne se limite pas à la consultation des organes d’avis institués. Nous référant à l’avis du CWEDD qui demande que l’article 5 paragraphe 7 soit revu pour apporter toutes les garanties quant à la mise en œuvre d’une participation réelle, nous précisons que celle-ci ne doit pas être un exercice cosmétique de légitimation a posteriori des décisions politiques mais au contraire une construction en amont où l’avis des différentes parties prenantes est effectivement pris en compte.

Enfin, la participation doit inclure l’ensemble des parties prenantes telles que définies à l’article 2.5, sans négliger l’équilibre des genres ni la diversité culturelle de notre société, à l’instar du paragraphe 41 de la Déclaration finale de Rio+20: « Nous prenons note de la diversité naturelle et culturelle du monde et reconnaissons que toutes les cultures et toutes les civilisations peuvent contribuer au développement durable ».

Et nous pourrions ajouter à cette notion de diversité culturelle celle de diversité sociale, de sorte que toutes les générations et catégories sociales de la société Wallonne, y compris les plus pauvres, puissent contribuer au développement durable de la Wallonie.