Le 4 décembre 2018, le Service Public Fédéral Santé, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement nous conviait à la conférence finale sur les 20 ans de la Loi sur les Normes de Produits. Pour rappel, cette loi a pour objectif de promouvoir des modes de production et de consommation plus durables, ainsi que la protection de l’environnement. Cet événement était l’occasion pour le SPF de présenter une évaluation de cet instrument de la politique fédérale environnementale, et de discuter de ses perspectives d’avenir.

Au programme:

-Introduction et diffusion d’une vidéo du Biais Vert, média indépendant abordant des sujets d’actualité par le prisme de l’écologie et de l’humour (Le Biais Vert – Graines de voyous).

-Discussion sur la gouvernance et le rôle de l’État : les modes de collaboration et de coopération entre acteurs et la co-construction de politiques et de projets.

-Une autre manière de concevoir et appréhender la législation.

-Regard critique et externe par :

  • François Gemenne, Politologue, spécialiste des questions géopolitiques de l’environnement et directeur du domaine « Développement durable » aux Presses de Sciences Po Paris.
  • Toon Wassenberg, Expert en durabilité et acteur de changement.
  • Félicien Bogaerts, Bloggeur militant et fondateur du Biais Vert.

-Échanges et réflexions avec les participants.

Signée le 21 décembre 1998, la loi sur les normes de produits a pour objectif de mettre en place une politique active afin de rendre nos modes de production et de consommation plus durables. En vertu de cette loi, tous les produits doivent être conçus de façon à ce que leur fabrication et leur utilisation ne contribuent pas aux déchets et à la pollution. Quelles sont les perspectives d’avenir pour cette loi ? Comment l’administration peut-elle moderniser cet instrument ? Comment protéger davantage les travailleurs et réduire les impacts des médicaments ou de la nourriture sur l’environnement ? Ces multiples thématiques n’ont malheureusement pas été suffisamment abordées  ces  dernières années. Beaucoup reste à faire et la loi sur les normes de produits reste par conséquent toujours d’actualité.

Vers une action publique moderne ?

Avoir un instrument ne suffit pas, encore faut-il l’utiliser ! Cette rencontre s’est articulée autour de trois mots-clés : collaboration, coopération et intégration, base d’une action publique moderne, selon la DG Environnement du SPF Santé Publique, Sécurité de la Chaîne Alimentaire et Environnement. En d’autres termes, il s’agirait de créer une dynamique et de permettre à chacun de s’exprimer afin d’établir une ligne directrice pour les prochaines années et ainsi  atteindre des objectifs environnementaux suffisamment ambitieux. Cette démarche cible trois types d’acteurs : les entreprises, la société civile et l’État, pour une politique davantage intégrée.

Pour ce faire, le SPF appelle à :

  • Définir de manière collective les enjeux prioritaires (vision, objectifs stratégiques…) avec les ONG, consommateurs, acteurs de la finance, culture, citoyens… (car au Fédéral, on n’a pas l’habitude de travailler avec les citoyens).
  • Créer une confiance mutuelle entre acteurs.
  • Davantage de cohérence et de complémentarité entre le fédéral et les régions.
  • Une meilleure connaissance du terrain.
  • Faire, tester et expérimenter : comment laisser la liberté aux entreprises de tester et expérimenter tout en les encadrant ?

Comment construire la politique de demain ? Cette rencontre avait pour objectif de déterminer les points à travailler en priorité:

  • Il faut consulter citoyens pour définir les enjeux prioritaires, visions et objectifs. Mais comment ? Démocratie participative ? Enquêtes téléphoniques ?
  • Une fois les objectifs définis, quel développement et quel chemin à suivre ?
  • Mise en œuvre concrète: projets conjoints ? Projets individuels ? Taxes ? Laisser les entreprises expérimenter ? Comment créer le cadre juridique qui permette de mettre tout cela en pratique ?
  • Rapportage et évaluation : proposer un cadre d’évaluation et des objectifs chiffrés.

Schéma du processus préconisé par la DG environnement

D’après François Gemenne, politologue, spécialiste des questions géopolitiques de l’environnement et directeur du domaine « Développement durable » aux Presses de Sciences Po Paris, il s’agit d’un schéma idéal, mais la difficulté réside dans sa mise en œuvre. En effet, la loi s’inscrit dans un contexte particulier et se heurte à de multiples obstacles.

Contexte dans lequel la loi va évoluer :

  • Positif : la loi est considérée comme un point de départ et non comme une ligne d’arrivée. Elle reste donc malléable et offre un cadre dans lequel travailler.
  • Positif : la loi touche à de nombreux enjeux de santé publique, ce qui a une importance du point de vue de l’acceptabilité car les citoyens se préoccupent fortement de leur santé.
  • Négatif : nous sommes dans une ère post-vérité. C’est-à-dire que chacun a tendance à prendre sa propre expérience pour une vérité universelle. Quelle place laisser à l’avis des autres ?
  • Négatif : peu d’appétit pour la coopération internationale. Le vote de la Belgique sur les énergies renouvelables à la COP24 fait la polémique aujourd’hui. Idem par rapport au pacte mondial sur les migrations. Nous avons grandi dans l’idée que la Belgique était à la pointe du multilatéralisme, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Il y a beaucoup de remises en question des principes fondateurs dont on pensait qu’ils allaient de soi et qu’ils allaient continuer à s’améliorer comme les droits de l’homme ou la protection des consommateurs…
  • Négatif : Il y a urgence environnementale et on doit prendre des mesures de long terme !

La loi se heurte à divers obstacles :

  • Comment faire accepter la contrainte aux citoyens et aux industries ? (ex. : l’interdiction de certains produits). Pour que la loi fonctionne, il faut qu’elle soit perçue comme efficace et équitable. D’où l’enjeu de la concertation !
  • Comment faire participer les citoyens ? Et comment faire passer la science en démocratie ? Les questions considérées comme techniques sont souvent laissées aux experts, et les citoyens n’ont pas toujours les connaissances requises. Il faut faire entrer ces questions dans le champ de la démocratie.
  • Comment faire privilégier le long terme au court terme ? La norme doit être crédible sur le long terme et ne pas être remise en question à chaque nouveau mandat politique.

Intervention de Toon Wassenberg, expert en durabilité et acteur de changement :

  • Comment peut-on impliquer le citoyen ? Pas facile en tant que gouvernement. Un conseil : il faut regarder ce qui se fait déjà chez nos voisins en Flandres. Par exemple, à Anvers, à Gent (iedereen Gent), ou dans les arènes de la transition comme le DRIFT. Leurs processus et trajets peuvent être instructifs.
  • Il faut encourager le gouvernement à prendre de grandes décisions top-down qui encouragent le bottom-up. Nous avons besoin d’hommes et de femmes politiques courageux qui pensent au long terme. Le gouvernement doit oser prendre des décisions.

Notre avis ?

Tout au long de cette rencontre, l’accent a été mis sur la participation. C’est d’ailleurs à la demande du SPF,  que nous avions communiqué un avis conjoint avec IEW au sujet de la loi sur les normes de produits en novembre dernier (Voir l’avis formulé par IEW et Associations 21 à ce sujet : CEF VX 181121 avis LNP – Rappel des enjeux: La loi sur les normes de produits a 20 ans, et on nous consulte!). Nous espérons, par conséquent, que notre avis sera bel et bien entendu. Par ailleurs, il ne faudrait pas que ces processus participatifs et toutes ces procédures servent d’alibi pour ne pas agir sur des questions qui nous semblent aller de soi. Par exemple, pourquoi continuer d’utiliser des produits chimiques et nocifs pour notre santé comme des antibactériens dans nos petites culottes alors que la plupart des citoyens ne connaissent même pas leur existence et n’en voient pas l’utilité ?