Le 23 avril 2010, le « Midi d’éconosphères » (Université Populaire de Saint-Gilles), nous a permis d’entendre Isabelle Cassiers (UCL) et Eric Rydberg (Gresea) et de débattre sur les indicateurs.

Isabelle Cassiers a publié avec Géraldine Thiry « Au-delà du PIB: réconcilier ce qui compte et ce que l’on compte » dans Regards Economiques, décembre 2009. Cette publication s’inscrit dans le cadre des travaux du collectif français FAIR: forum pour d’autres indicateurs de richesse. Cette initiative fait suite aux travaux de la Commission Stiglitz en France.

Le cadre du débat sur les indicateurs est bien international et multidimensionnel. Isabelle Cassiers nous rappelle l’histoire du PIB (produit intérieur brut), né après la seconde guerre mondiale, dans un contexte d’accord social sur la partage des fruits de la croissance, alors que tout manquait sauf, semblait-il à l’époque, les ressources naturelles. Le modèle était américain (Plan Marshall) et l’économie était planifiée (intervention de l’Etat), certes pas à la soviétique mais dans la philosophie keynésienne.

Le PIB n’est pas un indicateur de bien-être ou de qualité de vie. C’est un agrégat monétaire. Mais il est vrai que pendant 30 ans, croissance du PIB et progrès des sociétés furent largement assimilés.

La rupture émerge dans les années 80, quand le partage des fruits de la croissance est de moins en moins équitable et que les mesures de bien-être se dissocient des indicateurs de richesse. Il y a eu, en 1972, le rapport Meadows (Halte à la croissance, Club de Rome).

Il est à présent évident que le PIB ne tient pas compte de l’écologie, des inégalités et des finalités. Entretemps, de nombreux autres indicateurs ont été proposés, tels que l’IDH (indicateur de développement humain) du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement).

L’étude de ces indicateurs (on en dénombre environ 150) pointe différents enjeux:

  • l’importance du débat citoyen pour définir les finalités (quels résultats veut-on mesurer et pour quoi faire)
  • la transparence des contenu normatifs: quels valeurs sous-tendent quels indicateurs?
  • Enjeux politiques et financiers: quels sont les rapports de force? L’idée de détrôner le PIB rencontre des résistances.

C’est pourquoi aujourd’hui deux logiques coexistent: profit v/s alternatives déjà bien présentes dans le débat et les comportements.

Parallèlement on constate une évolution:

  • de la théorie économique: émergence de Stiglitz, d’Amartyasen…
  • des rapports de force: syndicats rejoints par une effervescence associative
  • géopolitique: pays émergents

Il faudrait donc une congruence de tout cela pour faire émerger un changement de paradigme.

Eric Rydberg constate différents découplages:

  • croissance et bonheur ne vont plus de pair (chiffres à l’appui)
  • rapports nord-sud: plus de bien-être d’un côté implique plus de problèmes d’un autre

Quant aux indicateurs alternatifs, ils traduisent différents mouvements sociaux:

  • l’empreinte écologique est basée sur la consommation. Elle questionne le productivisme mais ne dit pas grand chose des modes de production et est muette sur la démographie.
  • la simplicité volontaire (mais quid de la simplicité involontaire?)

Jusqu’où « plier » le PIB? Aux Etats-Unis on a déjà calculé l’emploi du temps, exprimé en $, il existe aussi un « misery index », « l’épargne nette justifiée » qui mesure les stocks mondiaux et le patrimoine naturel… Bref, chaque indicateur, c’est un choix.

Le débat fait surgir la question des indicateurs de droits humains, pour lesquels il existe déjà, en droit international, une arme juridique, le PIDESC (Pacte des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels).

Tout le monde s’accorde à reconnaître l’intérêt didactique du débat sur les indicateurs, au-delà des divergences idéologiques. Il importe surtout de voir ce qui est consensuel et ce qui ne l’est pas.

Fiche PIB du Gresea

Autre ouvrage conseillé: Florence Jany-Catrice, Jean Gadrey, « Les nouveaux indicateurs de richesse », éditions La découverte, 2005, Consultable en ligne sur les « reader-pages » d’Amazon.

Compte-rendu: Antoinette Brouyaux

Documents en ligne sur le site d’Econosphères