Ce jeudi 31 mars, le Conseil Fédéral du Développement Durable organisait un forum sur l’efficacité des ressources, où étaient réunies toutes les parties prenantes : pouvoirs publics, académiques, entreprises, syndicats et ONG. L’échange a mis en lumière l’intérêt d’un tel dialogue « multistakeholder » sur des enjeux aussi cruciaux pour l’avenir de nos sociétés.


Comme on peut le découvrir dans le « document de fond » mis à disposition des participants par le CFDD, « Perspectives d’une efficacité des ressources dans le cadre du développement durable », la tension sur les ressources s’exprime déjà de façon très concrète : ainsi, le Parlement Européen a observé un triplement du prix du métal et des minerais sur le marché mondial, soit +285 % entre 2002 en 2008. Dans les prochaines années, de nombreux matériaux viendront à manquer, si l’on poursuit la ponction sur les ressources à la vitesse actuelle. C’est pourquoi, la Commission européenne tient régulièrement à jour une liste des matériaux dits « critiques », pour lesquels des ruptures d’approvisionnement sont à craindre et à anticiper…

Face à cette situation, le « business as usual » n’est pas une option, tout le monde en convient. Mais l’attention est encore focalisée sur les progrès technologiques comme réceptacles de tout espoir de solution. Certes, ceux-ci sont nécessaires mais ne suffiront pas à assurer un développement soutenable de la planète. Dans l’ambiance générale de course aux profits et d’incitation à la consommation, les progrès technologiques sensés permettre une réduction de la consommation d’énergie ou de ressources, produisent in fine un accroissement de cette consommation parce que les biens ainsi produits sont moins chers et donc plus accessibles. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond. Celui-ci s’observait déjà au XIXe siècle avec le charbon. L’effet rebond s’observe toujours aujourd’hui, alors que l’Europe augmente encore sa consommation en ressources, via les biens qu’elle importe. En poursuivant la ponction des ressources d’autres continents, on hypothèque d’autant le développement durable des régions concernées.

C’est pourquoi, selon les associations membres d’Associations 21, il faut changer fondamentalement nos modes de production et de consommation. Ce ne sera possible qu’avec des politiques de régulation qui limitent les ponctions sur les ressources naturelles, au moyen de plafonds.

Comment ?

 En adoptant des indicateurs de mesure de ponction des ressources, tels que le « total material requirement », TMR, indicateur proposé par les Amis de la Terre Europe et le SERI.

 En internalisant les coûts sociaux et environnementaux dans les prix.

 En limitant les moyens de stimuler les formes de consommation qui visent à assouvir des besoins artificiels, donc en réglementant plus strictement la publicité.

 En mettant en oeuvre le principe « cradle to cradle », qui consiste à récupérer les matières pour les réutiliser à l’infini; c’est ce qu’on appelle l’économie circulaire. Et parce que le retraitement des matières est coûteux, il faut commencer par déprogrammer l’obsolescence des produits manufacturés, allonger leur durée de vie primaire.

 Les innovations ne doivent pas être seulement technologiques : l’organisation des entreprises doit aussi évoluer vers une plus grande décentralisation et la relocalisation de tout ce qui est relocalisable. La tendance aux fusions d’entreprises fait perdre aux travailleurs la maîtrise de leurs moyens de production. C’est une question de taille d’entreprise mais aussi de finalité. L’économie à finalité sociale, c’est possible, cela existe, autant de modèles à promouvoir et à multiplier. L’enjeu : permettre à chacun de s’approprier ce nouveau projet collectif, afin de le rendre plus égalitaire et démocratique.

 Prenons l’exemple du secteur de la récupération et de la revalorisation des ressources usagées, récemment colonisé par l’industrie. Traditionnellement, il s’agissait de métiers populaires, ainsi à Bruxelles, on parlait des « kajoebereers », en Wallonie des chineurs, des gadouilleurs, des marchands de ferraille… A présent, il est question d’« urban mining » ! Pourquoi pas, du moment que la démarche n’est pas seulement « top down » mais aussi « bottom up ». Ceux qui ont toujours dû se débrouiller pour assurer leurs moyens d’existence, ont une expérience et un savoir-faire à valoriser.

Les ONG membres de notre réseau Associations 21 souhaitent donc contribuer activement à la transition vers une société pauvre en carbone et économe en ressources, dont la richesse sera la diversité des modes de vie et d’organisation de la société, la valorisation des savoirs de chacun, y compris des plus pauvres.
Cette nouvelle organisation de la société nécessitera des changements de normes sociales et de normes techniques. Il faut changer nos rêves. La villa 4 façades au milieu des champs n’est plus l’habitat idéal. Ce type d’habitat rend la voiture indispensable, et n’est pas assez flexible par rapport aux bouleversements que les familles connaissent actuellement. Dès à présent, l’habitat groupé intéresse de plus en plus de gens. Il s’agit de limiter la dispersion de l’habitat, et de rénover ou construire des habitats modulables, facilement adaptables aux évolutions de l’existence tout en permettant de réduire la facture énergétique. L’écoconstruction a le vent en poupe mais les normes de produits ne suivent pas toujours assez vite cette évolution.

Bref, il y a du pain sur la planche pour concrétiser la transition, il s’agit dès à présent de mobiliser les investissements publics et privés via un fonds pour la transition, et de permettre à la finance solidaire – qui existe elle aussi – de se déployer plus largement, grâce notamment aux mesures fiscales ad hoc.

Faisons des contraintes débattues ce 31 mars autant d’opportunités, sans attendre que les catastrophes prévisibles nous tombent dessus. Déjà, il faut gérer les catastrophes imprévisibles ou en tout cas imprévues ! On le sait, la prévention coûte toujours moins cher que la gestion des dégâts qui font aussi beaucoup de victimes, tout comme les conflits engendrés par la course aux ressources.

Vu l’urgence, nous proposons de refonder le pacte social en y incluant de façon plus effective le secteur associatif, de façon à accompagner cette transition en dialogue avec les syndicats et les employeurs dans d’autres cénacles que le CFDD : conseil central de l’économie, CREG, etc.

Contact Associations 21