La cigale ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue… Aujourd’hui, les fourmis voient les cigales dilapider les ressources et entretenir l’insouciance généralisée, au lieu de prendre les décisions politiques qui s’imposent, pour nous acheminer vers le futur que nous souhaitons. La fourmi de la fable de Lafontaine n’était pas prêteuse. Les fourmis du XXIe siècle seront-elles suffisamment solidaires et surtout, saurons-nous construire les alliances stratégiques nécessaires pour forcer les cigales à assumer leurs responsabilités?

Un manque total de volonté politique

« La cigale ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue (…) Elle alla crier famine chez la fourmi sa voisine… » Cette fable de Jean de la Fontaine (17e siècle), est toujours d’actualité si l’on pense aux résultats de Rio+20 : ce concert des nations en mi bémol mineur, a surtout révélé un manque total de volonté politique de prendre des décisions courageuses, pour nous acheminer vers le futur que nous voulons. Cfr dernier communiqué d’Oxfam : « Rio+20 : ils sont venus, ils ont vu et… ils sont repartis ».

Il y a pourtant urgence : bientôt, il n’y aura plus « un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau » à nous mettre sous la dent. Nous irons crier famine chez la fourmi notre voisine mais celle-ci n’est pas prêteuse, c’est là son moindre défaut. Elle nous vendra donc ses ressources bien cher, puisque tout ce qui est rare est cher… On l’a vu, dans les négociations sur la déclaration finale comme au Sommet des Peuples, le thème de la financiarisation des ressources s’impose dans nos agendas : un réseau européen déjà créé sur ce thème, sous la houlette des Amis de la Terre Internationaux, a pu rencontrer à Rio d’autres ONG soucieuses de contrer cette évolution inquiétante, comme le Council of Canadians qui dénonce notamment les vélléités de son gouvernement de vendre de l’eau (« bulk export ») : et mène campagne sur ce thème.

Certes, les dirigeants politiques se rendaient à Rio dans un climat d’indifférence généralisée quant au thème pourtant crucial pour toutes et tous qui y fut débattu : l’avenir que nous voulons. A croire que nous nous y engageons à reculons. Il est vrai que le thème qui avait été mis en avant pour ce sommet était l’économie verte : une volonté surtout de l’Union Européenne, remise en cause par d’autres pays comme la Bolivie, qui a souligné à Rio que l’économie verte n’est pas la seule voie à suivre. Le monde est comme un arc-en-ciel, a dit le représentant de la Bolivie, chaque pays a le droit de construire sa propre voie vers le développement durable.

Notons que sous l’influence de ce pays comme d’autres d’Amérique Latine, le concept de « Pachamama », terre mère, a été évoqué dans la déclaration de Rio. Les Européens ne sont pas très à l’aise avec cette vision holistique de la nature. Ils préfèrent se cantonner à une vision utilitariste (« l’environnement, ce sont nos ressources »). Le danger de cette vision est qu’elle est le fondement de la financiarisation des ressources que nous dénonçons justement.

En Belgique, divers observateurs ont réagi aux piètres résultats du sommet en remettant en cause les Nations Unies. Il ne leur viendrait pas à l’esprit d’en faire autant avec la Commission Européenne, le G20 ou le G8. L’institution la plus démocratique de gouvernance mondiale est, il faut le dire, trustée par le multinationales (cfr cet interview d’Olivier Hoedeman, du Corporate Europe Observatory). Depuis que cette évolution a cours, bizarrement, plus aucun texte courageux ne sort des sommets onusiens. Il y a donc là un vaste chantier à mettre en oeuvre. Mais qui s’en soucie vraiment ? Qui souhaite des institutions onusiennes efficaces ?

Dans le village global qui est le nôtre aujourd’hui, celles-ci sont pourtant nécessaires, comme le réaffirrme Nicolas Van Nuffel, interviewé lui aussi par Associations 21. Nous clôturerons là notre série d’interviews de la société civile à Rio. Place à présent aux personnes qui agissent sur le terrain, et sans lesquelles le développement durable n’existerait pas, tout simplement. Le développement durable ou la transition si vous préférez, il faudra qu’on s’accorde pour clarifier vers où on transite…

Huang Haoming (à droite) et ses collègues de Cango avec Antoinette Brouyaux
Au fait, notre exercice de la vision à long terme, quelle société voulons-nous en 2050, décrite dans le rapport « Télescope » : en Chine, ils ont fait pareil ! M’a raconté Wang Xiangyi de l’association chinoise Cango, rencontré à Rio.

L’après Rio a commencé à Rio:

 au sommet des peuples, où les Chantiers de l’économie sociale ont réuni des jeunes Québecois, Français, Belges et Brésiliens pour promouvoir et diffuser les valeurs de l’économie sociale, et renforcer le réseau international dans ce secteur ;
Fanny  Boeraeve et Amal Hamich, les deux étudiantes belges des Chantiers de l'économie sociale à RioMarie Lagasse de la coopérative paysanne La Mauve, au Québec

 au sommet officiel où nous avons notamment rencontré, à la faveur du side event organisé par le Ministre Jean-Marc Nollet, Esther Penunia, Secrétaire Générale De L’asian Farmers’ Association, Mamadou Goita, Secrétaire exécutif du Réseau Des Organisations Paysannes et des Producteurs de l’Afrique de L’Ouest (ROPPA), Pooran Desai, directeur de Bioregional (UK), qui vit dans l’éco-village de Bedzed, au sud de Londres, et Moussa Sinon, délégué jeunesse De L’ OIF. Juste après l’annonce, le 19 juin, que le résultat – fort décevant – des négociations était scellé, quel débat rafraîchissant avec ces acteurs qui développent des initiatives alliant l’environnement, le social et l’économique sur le terrain ! Nous avons rappelé à cette occasion l’importance du dialogue avec les personnes directement concernées, du respect des conventions collectives et que 60% des travailleurs dans le monde n’ont pas un réel contrat d’emploi, soit parce qu’ils ou elles sont indépendants ou travaillent dans ce qu’on appelle pudiquement le travail informel… Qu’un travail décent c’est aussi et d’abord un travail qui a du sens, qu’en effet la crise est aussi culturelle et qu’il faudrait creuser cette dimension, pour notamment ne pas nous laisser enfermer dans une vision utilitariste de l’environnement…

Et puisqu’il a enfin été décidé, ce fameux programme à 10 ans pour une consommation et une production soutenable, envisagé depuis Johannesburg et repris dans la déclaration finale de Rio+20 (les Etats-Unis insistant pour que la démarche reste volontaire!) et bien on va s’y mettre, n’est-ce pas ? Tant pis pour les Etats-Unis ! Nous pourrions en reparler lors de l’assemblée générale extraordinaire d’Associations 21 prévue le lundi 24 septembre 2012 pour revenir sur les thèmes de Rio, l’autre thème incontournable étant la financiarisation des ressources.

En attendant ce prochain rendez-vous, quelques annonces :

 Agrocarburants : action publique et brochure d’information – Du 18 au 22 juin, c’était la semaine européenne de l’énergie durable. A cette occasion, un réseau d’ONG a mené une action insolite pour sensibiliser l’opinion publique à la problématique des agrocarburants. Voir le communiqué de presse de l’action et la Carte blanche publiée dans la Libre. Une brochure a été réalisée par ce réseau auquel Associations 21 s’est associée. Elle est téléchargeable et existe aussi en version papier.

 Le jeudi 5 juillet, le Comité Economique et Social européen organise une réunion de débriefing, “Bringing Rio home” de 10h à 16h, dans les locaux du CESE, rue Belliard 99, 1040 Bruxelles. Cette réunion sera animée par Hans-Joachim Wilms, président de l’Observatoire du Développement Durable du CESE. Pour s’inscrire : sdo(a)eesc.europa.eu

 Le vendredi 06 juillet 2012, dans le cadre du festival LaSemo et en préambule à son ouverture, sur l’Ile de l’Oneux à Hotton, après-midi débat sur “Les entreprises, acteurs de changement”, organisée par SAW-B ; conférence couverte en direct par l’émission « Nuwa » de La Première – RTBF.  

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 Le samedi 28 juillet, rejoignez-nous à la Petite Foire à Libramont ! Outre le marché fermier dès 10h00, un programme copieux de débats et d’activités festives vous y attend ! Et notamment, à 14h30, un débat « retour de Rio »