Oxfam plaidera à Rio pour garantir un seuil social pour tous et un plafond de respect des limites de la biosphère, pour la réforme du système financier et pour renforcer les mécanismes de régulation. Ne nous trompons pas de cible : ce sont les riches et non les pauvres qui mettent la planète sous pression!


Brigitte, que s’est-il passé depuis Rio 92 pour que la dynamique s’essouffle ainsi ?

Le Sommet de Rio en 1992 entendait concilier environnement et développement. Des principes intéressants et des textes importants y furent consacrés (Déclaration de Rio, Agenda 21), il y fut reconnu que l’éradication de la pauvreté était une condition si ne qua non du développement, et des conventions importantes ont été mises sur les rails (climat, désertification, biodiversité).

Mais déjà, à Johannesburg en 2002, le commerce reprenait le dessus, après 10 années de dérégulations et de mondialisation. Les pays industrialisés y ont minimisé leur responsabilité historique dans les pollutions et les changements climatiques. Le secteur privé y a défendu l’idée que seuls, l’innovation technologique et les produits moins énergivores, allaient tout arranger…

En 2012, les constats sont rudes :

 sur l’état de l’environnement : dépassement de près de 50% de la biocapacité terrestre, explosion des émissions de gaz à effet de serre… L’empreinte écologique continue d’augmenter dans les pays industrialisés. On se rend compte que les innovations technologiques ne règlent pas tout, du fait de l’effet rebond.

 la mondialisation des échanges a boosté la production de richesses mais celles-ci n’ont jamais été aussi mal réparties : les 20% des habitants les plus riches consomment 80% des ressources alors que les 20% les plus pauvres n’en consomment que 1.3%.

 le pouvoir des Etats s’est affaibli : ils n’ont plus les moyens de garantir la réalisation des droits fondamentaux et de réguler l’exploitation des ressources naturelles et les facteurs qui induisent une surconsommation de celles-ci.

La situation est donc grave ! Que pourra-t-on faire à Rio+20 ?

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Il y a quelques mois, Oxfam International a publié l’étude de Kate Raworth intitulée « Un espace sûr et juste pour l’humanité – le concept du donut ». Cet espace est contenu entre un plafond environnemental défini et un plancher social minimum qui permet à tous les habitants de la planète d’accéder aux droits humains contenus dans la déclaration universelle des droits de l’homme. Pour contenir l’humanité dans cet espace, il faut plus d’équité au sein des populations mais aussi dans la répartition et l’accès aux ressources.

Fort de ce modèle, Oxfam plaidera à Rio pour garantir ce seuil social pour tous, pour la réforme du système financier et pour renforcer les mécanismes de régulation. Nous insisterons particulièrement sur l’importance d’atteindre au plus vite les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMDs) complétés de nouveaux Objectifs de Développement Soutenable (SDGs). Nous rappellerons aussi l’urgence et la priorité à accorder à l’agriculture paysanne soutenable et aux changements de nos modes de consommations alimentaires (pour consommer moins, mieux et autrement !) Car ne nous trompons pas de cible : ce sont les riches et non les pauvres qui mettent la planète sous pression.

Il faut donc également plaider pour une taxe sur les transactions financières (TTF) qui devrait permettre de financer les énormes besoins de développement non satisfaits ; toute autre proposition de régulation financière qui émergera à Rio sera également la bienvenue mais en tout cas, la TTF, ça fait des années qu’on en parle, il est temps de passer à l’action ! Et d’arrêter aussi de subsidier les énergies fossiles ou autres activités polluantes.

Penses-tu que la société civile puisse exercer une réelle influence à Rio ?

Certainement ! Au sein de la délégation belge, nous avons la chance de pouvoir participer aux briefings des négociateurs, de maintenir le contact, et à chaque sommet auquel je participe, je constate que certaines de nos contributions sont prises en compte. Le développement durable s’appuie sur la participation des « groupes majeurs », dont les ONG : nous prenons donc cette mission très au sérieux !

Par ailleurs, à Rio, de nombreux événement « on » et « off » vont nous permettre de rencontrer d’autres organisations de la société civile du monde entier, et en particulier de l’Amérique Latine. Nous nous associerons aussi aux débats sur les indicateurs, organisés par Isabelle Cassiers dans le cadre du projet FAIR.

 Lire aussi l’interview accordé par Brigitte Gloire à la revue Déclics d’Oxfam Magasins du Monde