“On ne doit pas tout attendre du niveau multilatéral mais vu son importance, on aimerait voir en Belgique 100.000 personnes dans les rues pour réclamer plus de résultats tangibles du sommet Rio+20 !” Interview de Sabien Leemans, coordinatrice du service lobby du WWF Belgium.


Sabien, peux-tu te présenter ?

Je travaille au WWF depuis 11 ans. Je suis surtout ce qui concerne les forêts et la biodiversité. Je coordonne aussi le service lobby et les projets éducatifs du WWF.

Quelles sont les attentes du WWF vis-à-vis du Sommet de Rio ?

Même si cette évolution est en cours depuis plus longtemps, alors que nous publions régulièrement depuis 10 ans le Living Planet Report, nous en arrivons toujours aux mêmes conclusions : il faut changer drastiquement l’organisation de la société pour pouvoir stopper cette évolution de l’empreinte écologique toujours en croisance, et de la biodiversité en perte. Cela passe par de meilleurs choix pour préserver le capital naturel, produire mieux, consommer plus modérément, une gouvernance équitable des ressources et une réorientation des flux financiers.

A la veille de Rio+20, le WWF n’adopte-t-il pas un ton plus déterminé qu’auparavant ?

Pas vraiment, mais ces défis nous amènent à sortir de nos thématiques traditionnelles pour aborder les questions économiques et du marché. Dans une organisation internationale comme le WWF, il faut concilier les positions des uns et des autres. Au niveau européen, on peut plus facilement se permettre d’oeuvrer en faveur des changements de comportement et des changements de politiques. Au Congo où nous travaillons également, nous insistons plus sur les moyens d’existence, le développement des populations locales et la biodiversité. Nous tenons compte aussi des préoccupations de nos collègues des pays en développement…

Les négociations internationales, vous y croyez toujours ?

Pour des sujets aussi transversaux que l’économie verte, la protection de la biodiversité ou une transition juste, les négociations multilatérales sont le seul moyen politique global. Ce n’est pas la seule chose à faire. Les initiatives locales sont importantes aussi. Il faut allier le top down au bottom up, ici comme ailleurs. Ainsi, certaines de nos villes ont déjà adopté une politique climatique. On ne doit pas tout attendre du niveau multilatéral mais vu son importance, on aimerait voir en Belgique 100.000 personnes dans les rues pour réclamer plus de résultats tangibles du sommet Rio+20 ! Nous-mêmes, accaparés par le suivi des travaux politiques, n’avons pas assez de temps pour mobiliser. Avant de suivre ces travaux de près, ceux-ci me semblaient à moi aussi, compliqués et peu accessibles…

Que nous apprend le rapport Planète Vivante en 2012 ?

L’index Planète Vivante montre un déclin de 28% de la biodiversité depuis 1970. Quant à l’empreinte écologique, celle du Belge moyen est à présent dans le top 6 mondial, juste en-dessous des USA ! En cause notamment, les émissions de gaz à effet de serre émanant de nos habitations… Les terrains sont également plus bâtis chez nous qu’ailleurs. A l’échelle du monde, on consomme 50% de ressources en trop par rapport à ce que la terre peut produire. Il lui faut donc 1 an 1/2 pour régénérer ce que nous consommons en un an. A ce train là, notre capital sera vite épuisé… Ainsi, du fait de la surconsommation couplée à la croissance démographique, la biocapacité terrestre par personne a été quasiment divisée par 2 en 50 ans. Avec bien sûr de grandes différences d’un pays à l’autre : on consomme encore aujourd’hui 5 fois plus de ressources aux Etats-Unis qu’en Afrique.

Comment enrayer cette évolution ?

C’est précisément là-dessus que l’édition 2012 met l’accent : en réorientant les flux financiers, en préservant le capital naturel, en produisant mieux, en consommant de façon plus avisée, et par une gouvernance équitable des ressources. Cela implique notamment d’internaliser les coûts sociaux et environnementaux, d’arrêter les subsides dommageables à l’environnement, de stopper l’accaparement des terres par une gouvernance plus participative…

… Et d’attribuer une valeur aux ressources naturelles, ce qui inquiète d’autres ONG !

Pour pouvoir internaliser les coûts ou évaluer des conséquences, il faut bien donner une valeur. Le WWF n’est pas seul à le dire. Mais cette valeur ne doit pas nécessairement être monétaire. Prenons l’exemple de la qualité de l’air : s’il y avait moins de voitures, il y aurait moins de problèmes de santé dus à la pollution. Là, on peut chiffrer le manque à gagner pour la sécurité sociale.
Nous avons une approche pragmatique, dictée par notre travail sur le terrain. Du coup, nos positions sont plus nourries par l’expérience, et la recherche de compromis avec d’autres stakeholders. Au fait, les différentes stratégies sont intéressantes : chacun peut ainsi jouer un rôle complémentaire !

Rapport Planète Vivante 2012 en ligne: www.wwf.be/lpr