Le 7 décembre à Durban, diverses organisations de la société civile africaine, et d’autres mouvements sociaux et alliés internationaux rejetaient l’appel de nombreux pays développés pour un soi-disant «mandat de Durban» visant à lancer de nouvelles négociations pour définir un futur cadre juridique sur le climat.


Un nouveau mandat pour un nouveau traité qui prenne la place du Protocole de Kyoto devrait être compris pour ce qu’il est vraiment : les pays riches reviennent sur leurs pas et renient les obligations qui les dérangent, au détriment des pauvres et de la planète. Alors que les pays développés peuvent apparaître comme progressistes en demandant un mandat pour négocier un nouveau traité juridiquement contraignant, la vérité est que ce n’est rien de plus qu’une tentative voilée de tuer le Protocole de Kyoto et d’échapper à leurs obligations d’atténuation supplémentaires qu’ils devraient prendre, en vertu du mandat existant déjà dans le protocole lui-même et dans l’accord de 2005, pour négocier des réductions supplémentaires des émissions. Aboutir sur une déclaration politique annonçant la poursuite du protocole de Kyoto revient, en pratique, à l’enterrer. Ce ne sera rien de plus qu’un amendement formel légal et un processus de ratification qui aboutiront sur une coquille vide du Protocole de Kyoto.

Convenir d’un nouveau mandat signifierait que toute action est effectivement retardée de cinq à dix ans. Un nouveau traité va prendre plusieurs années de négociations et plusieurs années nécessaires à sa ratification. De plus, il n’y a aucune assurance que les pays qui ont renié l’architecture juridique existante, comme les Etats-Unis, seront d’accord pour ratifier un nouvel accord, ni que cet accord ne soit pas un système faible et inefficace « d’engagements volontaires ».

Les pays développés doivent de toute urgence accroître leurs objectifs de réduction d’émissions. Comme les derniers rapports de l’Agence internationale de l’énergie l’indiquent clairement, des réductions drastiques des émissions sont aujourd’hui nécessaires pour avoir une chance réelle de limiter la hausse de la température à 1,5°C. Les actuelles promesses de réduction d’émissions vont nous conduire à une augmentation de température de 5°C. Pour l’Afrique, cela signifie 7 ou 8°C de réchauffement et d’inimaginables souffrances humaines. C’est pourquoi une approche basée sur des engagements volontaires avec des règles de vérification faibles, plutôt que l’approche du Protocole de Kyoto, ses engagements juridiquement contraignants et des règles internationales qui donnent un sens à ces engagements, est totalement insuffisante pour assurer les réductions nécessaires d’émissions.

Alors que de nombreux pays développés conditionnent toute action ultérieure, y compris accomplir leurs obligations juridiquement contraignantes à travers une deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto, à des actions plus importantes de la part des économies émergentes, les promesses des pays en développement sont déjà bien plus importantes que les engagements pris par les pays développés. En fait, si l’on prend en compte tous les échappatoires existants et l’utilisation des marchés du carbone, les pays développés pourraient au final ne pas contribuer à la réduction des émissions d’ici 2020.

Alors que de nombreux pays développés cherchent à mettre fin au protocole de Kyoto, ils tentent simultanément de conserver et étendre les éléments du protocole de Kyoto qui ont leur faveur, comme les Mécanismes de Développement Propres (MDP), en les intégrant dans un nouvel accord et en déplaçant leurs propres responsabilités sur les pays en développement. Sans réduction d’émissions juridiquement contraignantes sous le Protocole de Kyoto, les pays développés ne doivent pas être autorisés à avoir accès aux marchés du carbone. En outre, avec l’effondrement du prix du carbone, les engagements dérisoires de réduction d’émissions des pays développés, il n’y a pas de justification à la poursuite des MDP ou à la création de nouveaux mécanismes de marché.

Les pays développés doivent augmenter leur ambition et cesser de blâmer les autres pays qui ont beaucoup moins contribué à la crise climatique, mais qui cependant se sont engagés sur des actions bien plus importantes. Les pays en développement sont à la hauteur de leurs promesses faites à Bali, tandis que les pays développés tentent de réécrire les règles du jeu pour éviter de satisfaire à leurs obligations.

Les pays développés refusent également aux pays en développement les financements et technologies nécessaires pour résoudre la crise climatique. La mise à disposition par les pays développés de financements aux pays en développement est une obligation en soi. Cela ne doit pas être utilisé comme monnaie d’échange dans les négociations de Durban, et les pays développés ne doivent pas les faire miroiter aux pays pauvres comme un pot de vin pour obtenir un mauvais accord en termes d’atténuation. Le même raisonnement s’applique à la mise en place du Fonds vert pour le climat. La réussite de Durban dépend du fait que le Fonds vert pour le climat ne soit pas transformé en une coquille vide et inefficace.

Nous n’accepterons pas un « mandat de Durban » ou tout autre résultat qui verrouille le processus à de faibles ambitions et à l’inaction pour des années, et qui condamne des milliards de personnes en Afrique et partout dans le monde à subir les pires impacts du réchauffement de la planète.

Premiers signataires:

 Africa Trade Network

 Alternative Information Development Centre

 Democratic Left Front

 Friends of the Earth International

 groundWork, Friends of the Earth, South Africa

 Jubilee South (Asia Pacific)

 Pan African Climate Justice Alliance

 Rural Women’s Alliance

 South Durban Community Environmental Alliance

 Southern African Faith Communities’ Environment Institute

 Third World Network

 Trust for Community Outreach and Education